Travail d’appoint, économies sacrifiées… Comment les fonctionnaires américains s’adaptent au « shutdown »
Travail d’appoint, économies sacrifiées… Comment les fonctionnaires américains s’adaptent au « shutdown »
Aux Etats-Unis, près de 806 000 fonctionnaires fédéraux sont obligés de rester chez eux et d’attendre la fin du blocage pour être payés.
La sécurité intérieure (203 700), la justice (114 200) et l’agriculture (94 000) sont les administrations les plus touchées. / JIM YOUNG / REUTERS
Aux Etats-Unis, les effets du « shutdown », la fermeture partielle des administrations américaines, depuis le 22 décembre, sont nombreux, et perturbent le quotidien des Américains comme des touristes. En première ligne, près de 806 000 fonctionnaires fédéraux obligés d’attendre la fin du blocage budgétaire pour être payés.
Le Washington Post, qui a établi une carte des Etats les plus impactés, montre que la sécurité intérieure (203 700), la justice (114 200) et l’agriculture (94 000) sont les administrations les plus touchées.
Le Post rappelle également qu’en moyenne, les fonctionnaires fédéraux gagnent 85 600 dollars par an, mais que 111 000 d’entre eux gagnent moins de 50 000 dollars (environ 3 500 euros par mois). Pendant le « shutdown », certains doivent continuer à travailler, mais leur traitement est suspendu et versé après la fin du blocage budgétaire. Cela fait dix-huit jours que dure le « shutdown », qui est actuellement le deuxième plus long de l’histoire.
Changement d’habitudes et inquiétudes
A Washington, les fonctionnaires commencent ainsi à changer leurs habitudes de consommation, note le Washington City Paper. Carolina et son mari Chris, qui travaillent pour le département de la justice, font désormais leurs courses chez Costco, chaîne de supermarchés à bas prix, achètent en vrac et congèlent : « On ne mange plus en ville, comme le faisait avant, une fois par semaine, pour 80 dollars, boissons comprises », expliquent-ils.
Même les agents du Secret service, qui dépendent du département de la sécurité intérieure, et sont chargés de la protection de Donald Trump et de son entourage font grise mine. Donald Mihalek, 49 ans, qui souhaite faire valoir ses droits à la retraite après vingt ans au sein de ce service, mais dont la demande est retardée par le blocage budgétaire, résume sa situation dans le New York Times :
« On nous demande de mettre notre vie en jeu mais on ne nous paie pas. »
La radio publique NPR a interrogé plusieurs employés fédéraux et leurs familles, dont Bethany Moher et son mari, employé du ministère de l’énergie, habitant à Leadville, dans le Colorado : « On ne sait même pas si nous serons en mesure de payer le crédit [pour notre maison]. Nous avons trois jeunes enfants et [le “shutdown”] complique la donne pour nous. »
Julie Burr, assistante administrative au département des transports à Kansas City explique de son côté à la chaîne ABC que, pour compenser le manque à gagner, elle fait des heures supplémentaires à la librairie Barnes & Noble. Ses deux premières semaines de travail au département des transports n’ont pas été payées, parce que personne n’est là pour les enregistrer et les lui payer. Elle a demandé un délai pour payer son loyer, payable le 1er de chaque mois :
« Je suis mère célibataire. J’essaie de joindre les deux bouts, mais si je dois vendre des choses dans la maison, je le ferai. »
« Si le “shutdown” se prolonge pendant un mois, des fonctionnaires vont finir par se faire expulser de leur maison ou verront leur voiture saisie, faute de pouvoir rembourser leur crédit », affirme au Washington Post David Borer, de l’American Federation of Government Employees, syndicat d’employés fédéraux qui représente 750 000 employés fédéraux.
Les sous-traitants durement affectés
Touchés plus durement car plus précaires, les très nombreux sous-traitants auxquels à recours le gouvernement fédéral, principalement pour des tâches liées à l’entretien et la restauration, occuperaient 40 % des postes dans les administrations, rapporte le Washington Post, qui cite une étude publiée en 2017 par Paul C. Light, de l’université de New York.
Le quotidien évoque le cas de Pablo Lazaro. Ce cuisinier employé par Restaurant Associates, une société qui assure la restauration pour les institutions du Smithsonian, à Washington, qui gèrent notamment dix-neuf musées. M. Lazaro explique au Washington Post qu’il a cessé de travailler le 1er janvier et a reçu un courrier lui expliquant qu’il pouvait, au choix, s’inscrire au chômage, poser des congés payés, ou demander un arrêt maladie pour continuer à être payé :
« Pour la plupart de mes collègues, c’est leur seul travail. Nous ne sommes pas des fonctionnaires du gouvernement, juste des sous-traitants. Et si on ne travaille pas, on n’est pas payé. »
Pablor Lazaro a un autre emploi de cuisinier à mi-temps à l’aéroport national Ronald Reagan, à Washington :
« A la maison, je suis le seul à travailler. J’ai une femme et deux filles. Ma plus grosse angoisse, c’est le loyer, qui représente de 60 à 70 % de mes dépenses. Je crois que le gouvernement ne se rend pas compte que les gens les plus affectés par le “shutdown” sont des gens comme moi, qui gagnent peu. Et si cela continue, il y aura de gros problèmes au sein de la communauté latino, qui est la plus touchée. »
A Washington, outre les fonctionnaires ou les sous-traitants, les petits commerces vivant du tourisme – épiceries, vendeurs de souvenirs, etc. – sont affectés, relève la chaîne ABC News : les musées étant fermés, les touristes ne s’attardent pas.
Les rares soutiens pour le président Trump
Heath Jepson et sa femme, qui vivent à Sedalia, dans le Missouri, font partie de ceux qui soutiennent le président Donald Trump.
« Je travaille pour le département de la défense, et ma femme pour celui de l’agriculture. Elle est inspectrice sanitaire. Elle est obligée de travailler, mais n’est pas payée. Mais nous soutenons la construction du mur. Néanmoins, ce “shutdown” arrive à un mauvais moment. Il a divisé par deux nos revenus. »
Le 25 décembre 2018, le président américain affirmait, sans preuve, que les fonctionnaires fédéraux réclamaient la construction du mur avec le Mexique. Un sondage mené pour le site Government Executive montrait, au contraire, que 71 % des fonctionnaires fédéraux s’opposent au blocage et que 30 % soutiennent la construction du mur.