Devant un bâtiment administratif fédéral, le 8 janvier. / BRENDAN MCDERMID / REUTERS

Le shutdown, quel shutdown ? Au début, lorsque l’administration fédérale américaine ferme, c’est un peu comme la Belgique sans gouvernement : on ne remarque pas grand-chose. Les touristes, au fond, semblent être les seuls touchés, avec la fermeture des musées de Washington et des parcs nationaux. La sécurité sociale et la santé publique continuent de fonctionner, car elles ont été financées pour l’année, l’armée, aussi – sécurité oblige – tout comme l’enquête russe du procureur Mueller, ainsi que les écoles, dont le financement n’est pas fédéral. Mais le shutdown a des effets insidieux, qui deviennent d’autant plus ennuyeux qu’ils durent.

Alors que l’Amérique connaît sa seconde plus longue fermeture – elle avait duré 21 jours en 1995 –, les premiers touchés sont les 800 000 employés fédéraux. La moitié sont réquisitionnés, mais qui quoi qu’il arrive, ils ne toucheront pas de chèque avant la résolution du conflit politique. Cette situation provoquerait une tension pénible chez les agents du Secret Service, chargé de la protection de Donald Trump et de ses équipes. Mais aussi chez les contrôleurs de la sécurité des aéroports : beaucoup se sont déclarés malades – visiblement pour trouver un deuxième job et avoir un chèque en fin de semaine.

Cagnottes et associations

On voit se multiplier les cagnottes, les appels publics aux dons pour faire face notamment aux échéances de prêts immobiliers. Pour joindre les deux bouts, des associations aident les fonctionnaires à obtenir des prêts.

Donald Trump ne se soucie guère des fonctionnaires fédéraux, souvent démocrates, mais s’inquiète plus du sort des électeurs-contribuables, un an après sa réforme fiscale. Le mois de janvier est celui où le fisc rend aux Américains le trop-perçu de l’impôt sur le revenu. En janvier 2018, rapporte le New York Times, il avait fait un chèque de 2 000 dollars (1 750 euros) en moyenne à 6 millions d’Américains, pour un total de 12 milliards de dollars. Pour minimiser l’impopularité du shutdown, la Maison Blanche a exigé que le fisc émette les chèques dus, ce qui n’avait pas été le cas lors des précédentes fermetures.

Parallèlement, les agriculteurs doivent attendre pour recevoir les aides censées compenser les dégâts de la guerre commerciale lancée avec la Chine. Les industriels ne peuvent plus obtenir auprès du ministère du commerce des exemptions pour ne pas payer les droits de douane sur l’acier et l’aluminium imposés par Donald Trump. Les demandeurs de visas d’immigration voient leur dossier reporté. A partir du 1er février, les caisses de la banque alimentaire seront vides, selon l’administration Trump. L’échéance semble un peu plus lointaine, mais la continuité de cette aide vitale n’est pas garantie pour 40 millions d’Américains à partir de février-mars.

Surtout, la machine économique se grippe. Bank of America Merrill Lynch a chiffré l’impact sur la croissance à 0,1 point du produit intérieur brut. La Securities and Exchange Commission, le gendarme de la Bourse, a renvoyé la plupart de ses 4 400 employés. Une première : l’affaire retarde les introductions en Bourse et les levées de fond. Quant aux passionnés de la politique monétaire, ils s’inquiètent de ce que la Réserve fédérale américaine n’aura pas toutes les statistiques nécessaires pour relever ou non ses taux dans les prochaines semaines. D’elle dépendra largement la croissance américaine en 2019.