Un gendarme condamné pour le mauvais usage d’une grenade de désencerclement à Sivens
Un gendarme condamné pour le mauvais usage d’une grenade de désencerclement à Sivens
Le Monde.fr avec AFP
Les témoins convoqués par la partie civile ont transformé l’audience en tribune contre les armes dites « non létales » et, en particulier, les grenades de désencerclement.
Un gendarme a été condamné à six mois de prison avec sursis, mardi 8 janvier, à Toulouse, pour avoir blessé par un jet de grenade de désencerclement une opposante au projet de barrage à Sivens (Tarn). La condamnation assortie d’une interdiction de porter une arme est moins sévère que les réquisitions du procureur Pierre Couttenier qui avait requis huit mois avec sursis.
Les faits s’étaient déroulés en octobre 2014 trois semaines avant la mort, sur le même site, de Rémi Fraisse, militant écologiste de 21 ans tué par une grenade tirée par un autre gendarme lors d’une manifestation.
« Il n’y avait pas de menace, c’était une erreur de ma part », a reconnu à la barre le gendarme de 49 ans, accusé d’avoir jeté une grenade à l’intérieur d’une caravane où se trouvait la victime.
« Acte de violence »
Jugé devant le tribunal correctionnel de Toulouse pour « violences volontaires ayant entraîné une ITT de quinze jours avec arme par personne dépositaire de l’autorité publique », ce maréchal des logis chef de Gaillac avait soutenu durant l’enquête s’être senti menacé.
« Vous n’êtes pas auteur d’une négligence, d’une imprudence ou d’une inattention. Vous avez volontairement fait usage d’une arme, vous avez commis un acte de violence », a lancé dans son réquisitoire Pierre Couttenier.
Dans sa plaidoirie, l’avocate de la partie civile, Me Claire Dujardin, a considéré que l’utilisation de cette arme en dehors du « cadre légal » était « une faute très grave pour un professionnel ». L’avocate a annoncé qu’elle visait, au-delà de la faute individuelle, la mise en cause dans une procédure ultérieure « de la responsabilité de l’Etat ».
Aujourd’hui âgée de 29 ans, la victime, qui a requis l’anonymat, avait été blessée à la main en voulant jeter le projectile hors de la caravane. Elle avait déclaré avoir pensé qu’il s’agissait d’une grenade lacrymogène.
« A aucun moment, je n’ai voulu jeter la grenade à l’intérieur », « je l’ai lancée en me déplaçant, je n’ai pas vu où je la lançais », a affirmé le prévenu à la barre. Sur une vidéo filmée de l’intérieur de la caravane et montrée à l’audience, après avoir été diffusée sur Youtube, on aperçoit le gendarme sommer les occupants de sortir de la caravane avant de lancer la grenade.
Lors de l’enquête, des gendarmes avaient témoigné que leur collègue « traversait une période difficile due à une séparation ». Le militaire a aussi expliqué à la barre qu’il était épuisé à l’époque par des missions à répétition.
Les grenades de désencerclement en question
Les témoins convoqués par la partie civile ont transformé l’audience en tribune contre les armes dites « non létales » et, en particulier, les grenades de désencerclement.
Parmi eux, Laurent Théron, un aide-soignant de 49 ans, a raconté avoir été défiguré et perdu un œil alors qu’il manifestait à Paris contre la loi travail en septembre 2016. Ce type de grenades est « une arme extrêmement dangereuse et utilisée en dehors de tout cadre », a-t-il estimé.
Depuis le lancement du mouvement des « gilets jaunes », le 17 novembre, « douze personnes ont perdu un œil et quatre ont eu une main arrachée » a, pour sa part, avancé un militant du collectif Désarmons-les ! qui lutte pour l’interdiction de l’usage par les forces de l’ordre des armes dites « non létales ».