A l’OGC Nice, les dirigeants Jean-Pierre Rivère et Julien Fournier claquent la porte
A l’OGC Nice, les dirigeants Jean-Pierre Rivère et Julien Fournier claquent la porte
Par Rémi Dupré
En désaccord avec les actionnaires majoritaires sino-américains, le président niçois, Jean-Pierre Rivère, et son bras droit, Julien Fournier, ont annoncé leur départ du club de football.
Patrick Vieira (à gauche) et Jean-Pierre Rivère (à droite), le 11 juin 2018 à Nice. / YANN COATSALIOU / AFP
Coup de tonnerre dans le ciel azuréen. Lors d’une conférence de presse commune, le président de l’OGC Nice, Jean-Pierre Rivère, et son directeur général, Julien Fournier, ont annoncé, vendredi 11 janvier, leur départ en raison de désaccords avec les actionnaires majoritaires sino-américains du club. En poste depuis juillet 2011 à la tête des Aiglons, le tandem est en conflit avec les hommes d’affaires Chien Lee, Alex Zheng, spécialisés dans les secteurs de l’hôtellerie, du tourisme et de l’immobilier, ainsi que les investisseurs américains Paul Conway et Elliot Hayes.
En juin 2016, le quatuor avait racheté 80 % des parts de M. Rivère contre une vingtaine de millions d’euros. L’homme d’affaires niçois, qui a maintenant 61 ans, avait alors conservé 20 % des parts restantes ainsi que la gouvernance opérationnelle du club avec son bras droit, l’ex-secrétaire général de l’Olympique de Marseille et ancien dirigeant du Racing club de Strasbourg. Cela faisait plusieurs mois que le départ du binôme était pressenti à l’OGC Nice, où « une passation de pouvoirs en douceur » avait été évoquée dès la saison dernière.
En août 2018, Nice-Matin assurait d’ailleurs que les actionnaires sino-américains avaient failli précipiter la démission du tandem en exigeant « le remboursement d’un compte courant injecté au départ ».
En pleine période de mercato hivernal, des désaccords en matière de stratégie de recrutement et « sur le profil des joueurs » sont à l’origine de cette révolution de palais. « On ne veut pas assumer des choses qu’on ne cautionne pas, a déclaré M. Rivère, qui avait pris les commandes du club, en 2011, en injectant près de douze millions d’euros. Le timing, veille d’un match (programmé samedi 12 janvier contre Bordeaux, lors de la 20e journée de Ligue 1), n’est pas l’idéal, mais nous voulons éviter la situation de blocage. On a des petites tensions avec nos actionnaires. C’est un secret de polichinelle. »
La situation de la star italienne Mario Balotelli, recrutée à l’été 2016, moribonde cette saison (aucun but inscrit en Ligue 1) et courtisée par l’OM cet hiver, constitue notamment « un point d’interrogation », selon le numéro 1 niçois. Lequel a ajouté que « les pistes mercato qu’on avait anticipées sont mortes ». « On n’a pas la réponse sur l’avenir, mais la situation actuelle pour le club n’est pas bonne », a tempêté M. Rivère, qui siège par ailleurs au conseil d’administration de la Ligue de football professionnel (LFP).
La nouvelle dimension prise par l’OGC Nice
Le président niçois et son « DG » se sont engagés à rester à leur poste jusqu’à ce que les actionnaires majoritaires nomment leurs successeurs. « Nous avons passé un accord avec l’actionnaire pour vendre à terme nos parts », a précisé M. Rivère tout en indiquant que « la recherche d’investisseurs est en cours ».
Le départ fracassant du dirigeant niçois et de Julien Fournier, détenteur lui aussi de parts dans le club, renvoie à leur bilan positif à la tête de l’OGC. « Mesurez le chemin parcouru ! a lancé M. Rivère aux journalistes. On a fait trois fois l’Europe. On a fait grandir le club. Il est bénéficiaire depuis plusieurs années. »
De facto, le règne du tandem Rivère-Fournier aura propulsé l’équipe azuréenne, longtemps abonnée à la lutte pour le maintien, dans une autre dimension. Outre la livraison, en 2013, de l’Allianz Riviera, stade ultramoderne de 35 000 places qui a accueilli des matchs de l’Euro 2016, le binôme peut se prévaloir de l’édification d’un nouveau centre de formation et d’entraînement, inauguré en octobre 2017.
Sur le plan sportif, l’OGC Nice s’est distingué par ses bons résultats en Ligue 1 depuis 2011. Cette spirale vertueuse est à mettre d’abord au crédit de Claude Puel, inamovible manageur du club (2012-2016), dont la politique axée sur la formation et la promotion de jeunes issus de l’académie a permis aux Aiglons de jouer les premiers rôles en championnat (quatrième place acquise en 2012-2013 et en 2015-2016, synonyme de participations à la Ligue Europa).
Cette stratégie a été prolongée par le Suisse Lucien Favre (2016-2018), dont la première saison sur le banc niçois a été auréolée d’une victoire (3-1) de prestige sur le Paris-Saint-Germain, en avril 2017, et d’une troisième place en championnat. Le club était alors aux portes d’une participation à la Ligue des champions. L’ère Rivère-Fournier a également coïncidé avec l’éclosion de jeunes talentueux (Alassane Plea, Vincent Koziello, Yoan Cardinale) et le recrutement de plusieurs têtes d’affiche (Hatem Ben Arfa, Mario Balotelli, Younès Belhanda, le Brésilien Dante).
« Vieira ne se sent pas trahi »
« Ce travail de fourmi a permis de structurer le club tout en ayant des résultats sportifs. Et de passer d’une valeur de portefeuille joueurs de moins de 10 millions d’euros en 2012 à plus de 150 millions aujourd’hui », rappelait M. Rivère, en août 2018, à Nice-Matin.
A l’été 2018, la nomination sur le banc niçois de l’ex-capitaine des Bleus Patrick Vieira, qui a fait ses gammes d’entraîneur avec les équipes de jeunes de Manchester City avant de prendre les rênes du New York City FC, a confirmé l’attractivité retrouvée d’un club quadruple champion de France… dans les années 1950. « Vieira ne se sent pas trahi. On a une relation de confiance, a d’ailleurs souligné M. Rivère en conférence de presse. Il est venu parce qu’une relation humaine forte s’est créée. Patrick est un homme qui a des épaules larges. »
Actuellement classé à la dixième place en Ligue 1, nouvelle « vitrine » du projet niçois, le champion du monde 1998 aurait préféré se passer d’une telle crise de gouvernance pour sa première saison aux commandes des Aiglons.