France 3, vendredi 11 janvier à 21 heures, documentaire

Dans les années 1990 – c’est-à-dire après la privatisation de TF1 (1987), –, la télévision est toute-puissante. Mieux, elle fédère encore, et est même le sujet de conversation principal à la machine à café. C’est ce que montre ce documentaire passionnant, images d’archives à l’appui, des commentaires de quelques-uns des principaux protagonistes.

En 1990, donc, et alors que Serge Gainsbourg (et d’autres) fument sur le plateau, les émissions dites de variétés cartonnent, ce dont abuse TF1 depuis que Francis ­Bouygues l’a confiée à Etienne Mougeotte. Les speakerines annoncent, encore, les programmes ; et c’est peu dire que la place des femmes à la télévision est à des années-lumière de ce qu’elle peut être aujourd’hui. Car si une poignée parvient à se faire une place sous les spots (Elise Lucet, Christine Bravo et ­Mireille Dumas), les autres sont souvent encore réduites au rôle de potiche que l’on pelote en direct ou sous les jupes desquelles, caméra et humour à l’appui (« c’est au poil »), se glisse Jacques Martin (moment pour le moins hallucinant).

Formidablement documentée, cette première partie montre combien la télévision est alors un miroir – social et politique – de notre pays

Les années 1990, c’est aussi Dorothée et Hélène et les garçons (TF1) ; la saison 1 de « Ford Boyard » devenu, depuis, le jeu français le plus vendu au monde (70 pays) sur Antenne 2 qui s’appellera bientôt France 2. Sur Canal+, ­Philippe Gildas est le pivot de tous les trublions qui l’entourent (Antoine de Caunes en tête). Et c’est aussi sur la chaîne qui émet encore en clair les débuts de celui que tout le monde considère comme un surdoué : Jean-Luc ­Delarue.

Pas de pudeur, pas de morale…

Alors que Michel Drucker fait des allers-retours service privé-service public et que Bernard Pivot n’apostrophe bientôt plus personne, Guillaume Durand est le premier à annoncer le déclen­chement de la guerre du Golfe sur la Cinq – qui agonisera en direct le 12 avril 1992. C’est l’arrivée de Marc-Olivier Fogiel, Julien ­Cour­bet, Nagui, Arthur, Christophe Dechavanne ou encore Jean-Marc Morandini. C’est le début de la télévision poubelle.

Comme le dit la marionnette d’Etienne Mougeotte aux ­ « Guignols » sur Canal+, les trois règles sont : pas de pudeur, pas de morale, pas de déontologie. D’ailleurs, si Thierry Ardisson n’a pas encore invité le révisionniste Thierry ­Meyssan, il a déjà son costard noir et l’on n’a pas perdu de vue ­Jacques Pradel. TF1 s’installe bientôt à Boulogne-Billancourt, Arte compte encore les moutons (la chaîne franco-allemande n’émettra que quelques heures par jour jusqu’en 1996), et ce n’est que le début de l’escalade des droits de retransmission des rencontres de foot. Matchs et films ne sont pas encore illégalement téléchargés, et ce d’autant que les téléphones n’ont de portable que le nom, ou presque.

Formidablement documentée, cette première partie montre combien la télévision est alors un miroir – social et politique – de notre pays. Que l’on songe seulement à Maïté sortant une pintade du panier pour la tuer en direct, et se pose inévitablement la question : une « Cuisine des mousquetaires » serait-elle possible à l’heure vegan ? Réponse, peut-être, la semaine prochaine avec les années 1994 et suite.

La Télé des années 90, de Philippe Thuillier, réalisé par Pascal Drapier (Première partie : 1990-1993, 140 min. Suite et fin samedi 19 janvier). www.france.tv/france-3