« L’Art du rangement avec Marie Kondo » : une maison en ordre
« L’Art du rangement avec Marie Kondo » : une maison en ordre
Par Audrey Fournier
Auteure du best-seller « La Magie du rangement », la Japonaise Marie Kondo s’invite dans des foyers américains pour leur venir en aide.
A défaut de l’avoir lu, la majorité d’entre nous a probablement déjà vu passer un exemplaire de La Magie du rangement, de la Japonaise Marie Kondo, lors d’un déballage de cadeaux de Noël. Publié en 2011 dans sa version originale, ce premier opus d’une série de quatre livres consacrés à « l’art de ranger » s’est vendu depuis à plus de 6 millions d’exemplaires, en plus de quarante langues. Pour continuer à faire fonctionner la machine à cash « KonMari », Netflix propose, depuis le 1er janvier, date bien trouvée pour coïncider avec la prise de bonnes résolutions, une déclinaison en télé-réalité de « la magie du rangement avec Marie Kondo ».
Chaque épisode de la première saison, dont on ne sait si elle aura une suite, se situe dans un foyer californien (Marie Kondo ayant quitté le Japon pour les Etats-Unis). Il peut s’agir d’un couple, avec ou sans enfants, ou d’une personne vivant seule, habitant depuis plus ou moins longtemps une maison dans laquelle s’entasse tout et n’importe quoi, les femmes penchant plutôt pour les vêtements, les hommes pour des collections d’objets inutiles. Le désordre accumulé se révèle si décourageant que les habitants appellent au secours celle qui, non seulement, vient à bout des armoires les plus mal organisées, mais donne l’impression d’y prendre du plaisir. Avec son teint, son sourire et son gabarit de poupée, la consultante en rangement (son titre officiel) vient donc dans chaque maison, bienveillance en bandoulière, remédier au désordre, mais aussi redonner un peu de joie de vivre à des Américains moyens déprimés.
Chef d’orchestre du foyer
Si « L’Art du rangement » a un intérêt sociologique, c’est bien de mettre en évidence à quel point nous, Occidentaux, sommes doués pour nous encombrer d’objets superflus, corollaires de nos habitudes consuméristes. Mais au-delà de ce que peut apporter toute télé-réalité bien ficelée, à savoir la joie mauvaise de constater qu’il existe toujours pire que soi, cette série a le défaut de prétendre décliner, en huit épisodes, un concept qui tient en deux paragraphes, voire deux phrases : débarrassez-vous de tout ce qui dans votre maison ne vous « inspire pas de joie » (mais remerciez quand même l’objet pour ses bons et loyaux services avant de le jeter) et pliez votre linge en suivant un rituel complexe pour en faire de tout petits coussins que vous pourrez aligner dans vos tiroirs, et gagner ainsi de précieux espaces supplémentaires.
Vous n’avez rien compris ? YouTube regorge de tutoriels sur le sujet. Même si le concept d’objet comme facteur de joie inspire à la série une des séquences les plus drôles (un couple gay soupesant des objets les uns après les autres en se demandant si la dose de joie ressentie mérite qu’on les garde), la répétition des séquences (accueil, mise à plat du bazar, rangement, satisfaction collective) suscite un ennui massif une fois les deux ou trois premiers épisodes visionnés.
Le pire restant néanmoins ce constat édifiant en 2019 : celui de la place toujours prépondérante occupée par les femmes dans la gestion des tâches quotidiennes. Même quand elle a l’air de n’avoir pas plus de 35 ans, la femme apparaît encore systématiquement comme la chef d’orchestre du foyer. Pis, c’est elle qui assume la responsabilité du désordre. « J’ai le sentiment d’échouer », confie ainsi Mme Friend, dans l’épisode 1, face à ses piles de linge. Même son de cloche du côté de Mme Mersier, dans l’épisode 3, qui estime avoir « déçu [s]a famille ». Comme s’il fallait réussir son rangement comme on réussit sa vie.
L’Art du rangement avec Marie Kondo, première saison (8 × 30 min). www.netflix.com/fr/title/80209379