• Novus Quartet
    Berg – Schubert

Pochette de l’album « Berg – Schubert », du Novus Quartet. / APARTÉ

Le rapprochement de ces deux monuments du quatuor à cordes peut se justifier par la nationalité (autrichienne, pour ne pas dire viennoise) de leurs compositeurs et par la distance d’un siècle (ou plus exactement cent un ans) qui sépare leurs premières exécutions. 1826 pour La Jeune Fille et la Mort, le 14e quatuor à cordes de Franz Schubert, et 1927 pour la Suite lyrique, composée par Alban Berg. Plus édifiante est leur communauté d’expression, au-delà des différences de langage, basée sur la dualité exaltation-abattement. D’une virtuosité collective hallucinante, le Novus Quartet offre la plénitude de la partition de Berg à tous les niveaux. Mouvements (mobilité permanente, unité latente), états (du delirando au desolato), instants (entre cris et soupirs). Les jeunes Coréens se montrent moins à l’aise avec Schubert, dont ils servent bien la qualité prismatique mais peinent parfois à restituer la densité idéale. Pierre Gervasoni

1 CD Aparté.

  • Hugo Wolf
    Italienisches Liederbuch

    Jonas Kaufmann (ténor), Diana Damrau (soprano), Helmut Deutsch (piano)

Pochette de l’album « Italienisches Liederbuch » d’Hugo Wolf avec Jonas Kaufmann (ténor), Diana Damrau (soprano), Helmut Deutsch (piano). / ERATO

Tour à tour coquin, chagrin, enflammé, vétilleux, exalté ou carrément grivois, l’Italienisches Liederbuch d’Hugo Wolf a accompagné la tournée européenne (dont Paris et sa Philharmonie) du tandem d’exception que forment Jonas Kaufmann et Diana Damrau. Les deux grands chanteurs allemands y livrent la quintessence d’un art élégant et raffiné, où le timbre sombre et envoûtant du ténor répond au charme vocal de la soprano. Diction impeccable, souplesse de la ligne, graves profonds, aigus solaires ou arachnéens, chacun des 46 Lieder témoigne de l’engagement théâtral des interprètes (l’homme séducteur et fanfaron, la femme fine mouche armée de coquetterie). L’enrôlement du piano d’Helmut Deutsch, sans doute l’un des maîtres du clavier en la matière, n’est pas le moindre atout de cet album en tous points remarquable. Marie-Aude Roux

1 CD Erato.

  • LIGNE SUD TRIO
    Musiques de film & jazz

Pochette de l’album « Musiques de film & jazz », du Ligne Sud Trio. / CRISTAL RECORDS / SONY MUSIC

Pour son troisième album, le Ligne Sud Trio, mené par le pianiste Christian Gaubert, a convié quelques invités. Avec le bassiste Diego Imbert et le batteur André Ceccarelli, l’on entend dans ce recueil de musiques composées pour des films le guitariste Julien Gaubert, le saxophoniste et clarinettiste Thomas Savy, le trompettiste et bugliste Christophe Leloil et la chanteuse Karine Michel. Michel Legrand, Vladimir Cosma, Francis Lai, Philippe Sarde, John Williams ou Gaubert lui-même y sont évoqués. L’interprétation, la qualité du jeu d’ensemble, l’écriture subtile des arrangements qui partent des mélodies d’origine pour de belles transformations, tout cela permet aux thèmes de vivre sans le support des images. Parmi les réussites de ce disque, La Chanson d’Hélène, texte de Jean-Loup Dabadie et musique de Francis Lai, écrite pour Les Choses de la vie de Claude Sautet (1970), où les caresses du bugle, de la clarinette et de la voix se mêlent harmonieusement. Sylvain Siclier

1 CD Cristal Records/Sony Music.

  • Deerhunter
    Why Hasn’t Everything Already Disappeared ?

Pochette de l’album « Why Hasn’t Everything Already Disappeared ? », de Deerhunter. / 4AD / BEGGARS

Depuis le milieu des années 2000, Deerhunter occupe une place à part dans la galaxie indie rock américaine. Mené par un meurtri magnifique, le chanteur Bradford Cox, esquinté depuis son enfance par une maladie osseuse, ce groupe d’Atlanta (Géorgie) a modulé distorsions, climat cotonneux et harmonies pop au rythme d’une instabilité à fleur de peau. Neuf ans après l’album Halcyon Digest, leur chef-d’œuvre, un huitième opus, Why Hasn’t Everything Already Disappeared ?, s’écorche à nouveau magnifiquement. Si, à l’instar du titre du disque (« Pourquoi tout n’a-t-il pas encore disparu ? »), les chansons expriment un sombre fatalisme, leurs mélodies et instrumentations – préférant cette fois clavecin, synthétiseurs, piano et marimba aux guitares – n’ont jamais été aussi lumineuses et enlevées. Souvent d’une attachante douceur, capable aussi de malice charmeuse (Element, Futurism) et de rêverie exaltée (Plains, en hommage aux derniers jours de James Dean), la voix de Bradford Cox – rescapé en 2014 d’un grave accident de la route – finit quand même, dans le chant morcelé de Nocturne, par anticiper sa disparition. Stéphane Davet

1 CD 4AD/Beggars.

  • Sharon Van Etten
    Remind Me Tomorrow

Pochette de l’album « Remind Me Tomorrow », de Sharon Van Etten. / JAGJAGUWAR / PIAS

Sharon Van Etten a connu tardivement le succès avec son troisième album, le magistral Tramp (2012), enregistré avec les membres du groupe The National. La native du New Jersey, âgée de 37 ans, à la voix puissante et affectée, posée sur des complaintes tenant lieu d’exutoire à une relation amoureuse toxique et abusive, est désormais une figure féminine du rock indépendant. Après une pause de cinq années, consacrée à des études de psychologie et à son fils, né en 2017, ce cinquième album la présente sous un jour moins cérébral. Sous la houlette du producteur John Congleton (Anna Calvi), Remind Me Tomorrow s’éloigne du registre folk-rock pour une pop synthétique habilement ciselée. Si on note de spectaculaires emportements à la Arcade Fire sur Comeback Kid et Seventeen (chronique émouvante de son adolescence new-yorkaise), la chanteuse conserve parfois quelques vifs traits de noirceurs sur l’atmosphérique Jupiter 4. A la différence près que la lumière parvient désormais à filtrer remarquablement. Franck Colombani

1 CD Jagjaguwar/PIAS.

  • MizikOpéyi
    Creole Big Band

Pochette de l’album « Creole Big Band », de MizikOpéyi. / AZTEC MUSIC / 3M-MIZIK MOUN MATINIK / PIAS

Jouée par un étincelant big band (dix-sept musiciens) aux cuivres très en joie, mené par Tony Chasseur (chef d’orchestre et chant) et Thierry Vaton (piano et direction musicale), deux figures notoires de la scène caribéenne francophone, voilà de la musique qui pétille. C’est du swing vrai et immédiat, du jazz pour danser. Créé en 2016, MizikOpéyi relooke avec maestria de pertinentes compositions créoles (Si, de l’Haïtien Beethova Obas, Bwa Brilé, du flûtiste et chanteur martiniquais Eugène Mona, mort en 1991). Les deux meneurs de jeu ont convoqué de nombreux invités (Jacques Schwarz-Bart, Michel Alibo, Franck Nicolas, Alain Jean-Marie, Orlando « Maraca » Valle, Arnaud Dolmen…) pour ce manifeste du swing créole, rafraîchissant comme une eau de coco. Patrick Labesse

1 CD Aztec Music/3M-Mizik Moun Matinik/PIAS.