Face à la Russie, Melvyn Richardson (n° 9) a disputé son premier match en compétition internationale sous le maillot bleu, quatorze ans après la retraite de son père. / Soeren Stache / AP

Quel est le point commun entre Melvyn Richardson, Kentin Mahé, et les frères Alex et Dani Dujshebaev ? Outre qu’ils vont fouler le sol de l’arène de Cologne, samedi 19 janvier, lors du match France - Espagne (18 heures), le premier rendez-vous du tour principal du Mondial, leurs noms résonnent familièrement à l’oreille de l’amateur de handball.

Pas étonnant. Ce sont tous des « fils de ». Jackson Richardson, côté français, et Talant Dujshebaev, entre Russie et Espagne, étaient deux des meilleurs demi-centres au monde dans les années 1990-2000. Pascal Mahé était, lui, chargé des basses œuvres en défense dans l’équipe des Barjots, championne du monde en 1995.

Cette filiation peut créer parfois la confusion. A l’heure d’annoncer l’entrée de Richardson dans la liste des Bleus, l’IHF, la Fédération internationale de handball, a commis une légère méprise. Si Melvyn est bien celui qui remplace Nicolas Claire dans le groupe français, le site officiel de la compétition a annoncé le retour de Jackson sous le maillot bleu… quatorze ans après la retraite du Barjot. « Je l’ai appelé pour le féliciter puisque c’est lui qui intégrait l’effectif, s’est amusé le gaucher montpelliérain dans L’Equipe après France-Russie. C’était une surprise. »

Entrée pleine de promesse pour Melvyn Richardson

Son entrée en jeu pleine d’audace face aux Russes, elle, n’a pas surpris son sélectionneur. « Il a montré de très belles choses », a apprécié Didier Dinart. Appliqué en défense, et efficace en attaque, le fils de Jackson a inscrit quatre buts en première période pour son premier match en compétition internationale chez les Bleus.

Si le jeu puissant et aérien du gaucher ne ressemble en rien à celui inventif et virevoltant de son droitier de père, impossible pour Melvyn Richardson d’éviter la comparaison avec celui qui fut la première star hexagonale du handball. « Ça fait partie du jeu », sourit le jeune homme de 22 ans, dont la polyvalence - il peut évoluer à trois postes - offre de nombreuses options à son sélectionneur.

Répondant à la 8 327e question (à vue de nez) sur son paternel, le néophyte des Bleus ne s’en formalise guère. « Je fais le même sport que celui dans lequel il a brillé, c’est normal qu’on m’interroge sur lui. »

Si le phénomène des « fils de » en sport est loin de se restreindre à la petite balle, le handball semble un milieu propice à leur éclosion. S’ils ne sont pas nécessairement fils d’internationaux, chez les Bleus, les frères Karabatic, Michaël Guigou ou encore Nedim Remili sont issus de familles de handballeurs. « Il y a peut-être moins de prétendants que dans d’autres sports », souffle Kentin Mahé.

Tombés dedans quand ils étaient petits

« Jamais nous n’avons exigé de nos fils d’être athlètes de haut niveau, au contraire, nous avons insisté sur leur éducation et leur bagage culturel, a relaté en début de mois Talant Dujshebaev au journal El Mundo. Ils n’ont jamais ressenti cette pression et ont librement choisi leur sport après avoir testé le foot, le basket, le golf et même le tennis. »

Actuel entraîneur de Kielce, en Pologne, où il dirige son fils Alex, le mentor de Didier Dinart lorsque celui-ci était encore joueur - il était son coach à Ciudad Real - comprend les enfants de joueurs professionnels ayant suivi la voie de leurs parents. Comme Obélix, ils sont tombés dedans quand ils étaient petits.

« Le handball, c’est notre vie, à ma femme et moi, insiste l’entraîneur d’origine kirghize. Alex et Dani baignent dedans depuis qu’ils sont tout petits et ils échangent avec les joueurs de nos équipes sans se soucier qu’ils soient des immenses stars. »

Fils de Talant Dujshevbaev, Alex Dujshebaev, ici face à la Croatie, dispute le Mondial avec son frère Dani. / ANDREAS GEBERT / REUTERS

A l’instar d’un Stephen Curry au basket, qui passait les mi-temps des rencontres à shooter avec les coéquipiers de son père, Dell Curry (notamment aux Toronto Raptors), Kentin Mahé raconte avoir passé son enfance dans des salles de handball, au contact des meilleurs.

« A traîner dans les salles, voir mon père s’entraîner dur et répéter toujours les mêmes gestes pour réussir, on veut imiter les meilleurs, se souvient l’auteur de trois buts décisifs en fin de match face à la Russie, jeudi 17 janvier, pour décrocher la victoire. Et on finit par devenir pas mauvais, jusqu’à revêtir le maillot de notre équipe nationale. Oui, ça m’a certainement ouvert plus de portes que ça m’en a fermées. »

« Je règle mon pas sur le pas de mon père »

« Pour moi, ça a toujours été un avantage d’avoir un paternel qui connaît le milieu, abonde Melvyn Richardson, sacré champion d’Europe en club avec Montpellier au printemps 2018. Outre les questions techniques et tactiques, difficile d’avoir de meilleurs conseils pour la gestion de ma carrière ».

« Mon père m’a énormément conseillé quant à la gestion de l’effort et à l’hygiène de vie nécessaire pour un handballeur professionnel. Et ça peut donner un peu d’avance sur d’autres », prolonge Nedim Remili.

Rendez-vous samedi sur le terrain de l’arène de la cité rhénane. Dans une revanche de la dernière demi-finale de l’Euro, qui avait vu l’Espagne prendre le meilleur sur les Bleus et les faire complètement déjouer.

« L’an dernier, on n’avait pas joué pendant soixante minutes. Ce match-là, on va vraiment le jouer », avertit Didier Dinart dont c’est la seule défaite en compétition depuis qu’il a pris en charge le destin des Bleus, en 2016.

L’an passé, Melvyn Richardson avait assisté à cette défaite à la télévision. « On va essayer de ne pas reproduire les erreurs de l’année dernière, et essayer de décrocher cette victoire primordiale dans la course aux demi-finales », insiste l’arrière-droit qui, comme les fils Dujshebaev et Mahé, peut faire sienne l’antienne répétée par Guillaume Canet à Jean Yanne dans le film éponyme de 1998. « Je règle mon pas sur le pas de mon père, je règle mon pas sur le pas de mon père ».

France - Espagne, samedi 19 janvier à 18 heures (sur TMC et BeIN Sports 3)