Malgré un rendement faible, la collecte du Livret A ne faiblit pas
Malgré un rendement faible, la collecte du Livret A ne faiblit pas
Par Jérôme Porier
Pour la première fois depuis 35 ans, le rendement réel du produit d’épargne préféré des Français est devenu négatif en 2018. Malgré tout, la collecte reste impressionnante.
Au total, 55 millions de Livrets A sont détenus par des personnes physiques pour un montant moyen de 4 574 euros par livret / Philippe Turpin / Photononstop
Le Livret A a fêté dignement ses deux cents ans en 2018, avec une collecte de 10,08 milliards d’euros, soit à peine moins qu’en 2017 (10,24 milliards d’euros), selon des chiffres publiés mardi 22 janvier par la Caisse des dépôts. Contre vents et marées, le produit d’épargne préféré des Français a démontré, une fois de plus, sa résilience.
1. Pourquoi le livret A reste-t-il aussi populaire ?
Pour la première fois depuis 35 ans, le rendement réel du Livret A est devenu négatif en 2018. Mais ni le faible rendement de 0,75 % qu’il offre depuis le 1er août 2015, ni le regain de l’inflation, qui a atteint 1,8 % sur l’année, n’ont découragé la collecte. A cause de l’érosion monétaire, ceux qui ont placé leurs économies sur ce produit d’épargne ont donc perdu du pouvoir d’achat en 2018. Mais leur comportement n’est pas incohérent : les enquêtes montrent régulièrement que les épargnants français accordent davantage d’importance à la liquidité (le fait de pouvoir disposer à tout moment de son argent) et à la sécurité des placements plutôt qu’à leur rendement, surtout dans les périodes troublées.
« En période d’incertitudes, le Livret A reste la valeur refuge par excellence. C’est pourquoi son rendement réel à court terme a peu d’impact sur sa collecte. Cette situation ne devrait guère changer au cours de l’année 2019 qui devrait voir refluer l’inflation », commente Philippe Crevel, directeur du Cercle de l’épargne. Non fiscalisé, le Livret A propose une rémunération largement supérieure à celle des livrets bancaires, dont rendement brut moyen ne dépassaient pas 0,26 % en novembre 2018. Et il ne faut pas oublier que les revenus des livrets bancaires sont fiscalisés à hauteur de la tranche marginale d’imposition sur le revenu du contribuable, ou au prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30 %.
2. Est-ce un engouement typiquement français ?
Au total, 55 millions de Livrets A sont détenus en France par des personnes physiques pour un montant moyen de 4 574 euros par livret, selon l’Observatoire de l’épargne réglementée. Il n’existe pas d’équivalent à l’étranger d’un tel produit d’épargne populaire totalement défiscalisé, piloté par l’Etat, qui permette de transformer une épargne de court terme en ressources de long terme pour financer un secteur économique, en l’occurrence le logement social.
En Belgique, les intérêts des livrets distribués par les banques sont exonérés jusqu’à 940 euros par personne, mais ces placements sont dans le collimateur de Bruxelles, qui leur reproche de fausser la concurrence.
En Suisse, il existe également des livrets bancaires réglementés dont l’Etat fixe le taux. Les intérêts versés sont exonérés d’impôt et de prélèvements sociaux, mais ces produits sont loin d’être aussi populaires que le Livret A.
Au Luxembourg, des livrets sécurisés existent aussi, mais ce ne sont pas des produits d’épargne réglementée avec un taux fixe et une garantie sur le capital comme en France.
Enfin, il existe des comptes bancaires exonérés d’impôt au Royaume-Uni et au Pays-Bas, qui servent à financer des investissements durables, notamment pour la transition énergétique, mais l’existence de fonds de pension dans ces pays bride le succès des livrets bancaires.
3. Quelles autres formes d’épargne sont plébiscitées par les Français ?
L’aversion des épargnants français pour les placements risqués n’est pas une légende. L’autre produit d’épargne préféré des Français est l’assurance-vie, et en particulier les contrats en euros, qui ont pour point commun avec le Livret A de garantir le capital investi. Ce sont donc les produits d’épargne les plus « protecteurs » du marché.
A fin novembre 2018, l’encours des contrats d’assurance-vie s’élevait à 1 704 milliards d’euros, en progression de 1 % sur un an, selon la Fédération française de l’assurance (FFA). Un montant impressionnant, mais qu’il convient de relativiser, sachant que l’immobilier représente toujours les deux-tiers du patrimoine global des ménages français.