Première évaluation encourageante pour les CP dédoublés
Première évaluation encourageante pour les CP dédoublés
Par Mattea Battaglia, Violaine Morin
Les premiers résultats du dispositif phare du ministère de l’éducation nationale viennent de tomber. Les élèves « en grande difficulté » en maths et en français sont moins nombreux dans les CP dédoublés.
Les premiers résultats des évaluations des « classes à 12 » ont été dévoilés, mercredi 23 janvier. C’était une promesse de campagne du candidat Macron, puis l’une des premières mesures mise en œuvre par le gouvernement, dès la rentrée 2017 : le dédoublement des classes de CP en REP + (éducation prioritaire renforcée), élargi aux élèves de CE1 en REP + et de CP en REP (éducation prioritaire) à la rentrée 2018. « Ces (…) élèves ont fait des progrès importants, plus vite qu’ailleurs », s’est félicité le ministre de l’éducation nationale, venu présenter les résultats au JT de 13 heures sur TF1.
L’étude d’impact de cette mesure, menée par le service statistique de l’éducation nationale (DEPP), porte sur un échantillon de 15 000 élèves de REP +, comparés à un groupe test d’élèves de REP qui n’ont pas bénéficié du dédoublement mais présentent un profil sociologique similaire. Les élèves testés ont répondu à quatre séquences de questions sur tablette, d’une durée de vingt minutes chacune : deux en français, une en mathématiques et une séquence consacrée aux « items conatifs », c’est-à-dire des questions sur le bien-être de l’enfant et l’estime de soi.
Sur les 60 000 élèves de CP en REP +, la proportion d’élèves les plus en difficulté a baissé de 7,8 % en français et de 12,5 % en mathématiques. Sur 24 000 élèves en très grande difficulté auparavant, soit 40 % des élèves de REP +, on en compte donc 2 000 de moins en français, et 3 000 de moins en mathématiques. Au regard de la littérature scientifique sur le sujet, les résultats se situent plutôt dans la « fourchette basse » de ce que l’on pouvait attendre. Un résultat lié à la jeunesse du dispositif, qui connaît là sa toute première évaluation, argue le ministère. L’impact du dédoublement des classes est fort auprès des enseignants : « 98 % des professeurs disent qu’ils ont pu mieux identifier les besoins des élèves », a précisé Jean-Michel Blanquer.
Sur le terrain, pas de surprise. Depuis seize mois que les classes dédoublées se déploient, les enseignants concernés, aux premières loges pour évoquer les progrès de leurs élèves autant que l’amélioration du climat, font le même constat : « Avec moins d’élèves, c’est mieux. » D’une classe à l’autre, les témoignages racontent le sentiment que « tout va plus vite », et que du temps est enfin disponible pour cette « prise en charge individualisée » que réclament les familles.
« Antinomique avec les suppressions de postes »
A ce ressenti positif, une enquête rendue publique, le 25 juin 2018, par le Snuipp-FSU, syndicat majoritaire au primaire, a apporté quelques nuances. Si, pour une très large majorité d’enseignants, les compétences des élèves sont, dans ces classes, acquises plus rapidement, la pression hiérarchique s’est accrue. Idem des tensions avec les « collègues » qui voient, en CM1 et CM2 notamment, les effectifs dans leur classe grimper. Les enseignants des classes dédoublées ont également exprimé leur incompréhension face à l’objectif assigné par le gouvernement : atteindre « 100 % de réussite au CP ». Comme si le fait d’être douze pouvait gommer toutes les difficultés.
Il n’empêche : les « CP12 » – comme les surnomme le ministre de l’éducation –, inspirés du projet américain STAR (pour Student-Teacher Achievement Ratio) mené dans le Tennessee il y a trente ans, sont devenus la référence en matière de politique d’égalité des chances. Pour qu’elle le reste, avertissent les syndicats d’enseignants, le défi à relever est d’abord budgétaire. « A-t-on réellement les moyens d’élargir le dispositif [il doit concerner à terme les 300 000 élèves de CP et de CE1 de l’éducation prioritaire, contre 190 000 aujourd’hui] sans creuser les écarts de traitement entre les écoles de l’éducation prioritaire et hors éducation prioritaire ? », interroge Stéphane Crochet, du SE-UNSA. La question, en pleine crise des « gilets jaunes », résonne particulièrement dans les territoires ruraux, peu concernés par ces dédoublements.
En lançant le grand débat national devant les maires et élus de Normandie, le 15 janvier, Emmanuel Macron a élevé un peu plus le niveau d’ambition : « On va progressivement chercher à généraliser [les dédoublements hors de l’éducation prioritaire] parce que mon objectif, c’est qu’on puisse arriver, dans toutes les classes de France, à avoir en CP-CE1 (…) très peu d’élèves par classe », a fait savoir le chef de l’Etat
« La mise en œuvre d’une telle mesure est antinomique avec les suppressions de poste annoncées pour le quinquennat dans la fonction publique », a immédiatement réagi le Snuipp-FSU. Selon ses calculs, il faudrait trouver autour de 52 000 postes supplémentaires pour tenir la promesse, quand 50 000 suppressions sont projetées dans la fonction publique d’Etat. « Ne vaudrait-il pas mieux abaisser, partout, les effectifs à un seuil plus modeste ?, interroge la porte-parole du Snuipp-FSU, Francette Popineau. Vingt à vingt-cinq élèves dans toutes les classes, ce serait déjà bien ».