La confiance dans les médias est au plus bas
La confiance dans les médias est au plus bas
LE MONDE ECONOMIE
Plus de la moitié des Français jugent mauvaise la couverture des « gilets jaunes » , selon le baromètre annuel réalisé par « La Croix ».
Manifestation de « gilets jaunes », à Paris, le 12 janvier. / LUDOVIC MARIN / AFP
En ces temps de mobilisation des « gilets jaunes », de diffusion des fausses informations et de fatigue démocratique, le métier d’informer n’a jamais semblé aussi compliqué et décrié : la nouvelle édition du baromètre annuel du journal La Croix sur la confiance dans les médias, publié jeudi 24 janvier, montre, sans surprise, une nouvelle dégradation.
Cette mesure de l’opinion, réalisée en début d’année par l’institut Kantar auprès d’un millier de personnes, souligne un paradoxe : si les Français ont de moins en moins confiance dans les médias – depuis le lancement de ce sondage en 1987, elle est au plus bas –, ils s’intéressent fortement à l’actualité.
Le média préféré pour s’informer, la télévision, subit le contrecoup de ce phénomène : son niveau de confiance est de seulement 38 %, soit une perte de dix points en un an. La radio, qui est traditionnellement celui auquel les Français font le plus confiance est à 50 %, en baisse de six points par rapport à 2018. La presse écrite perd huit points (à 44 %). Internet est situé tout en bas (25 %).
Facebook plébiscité par les jeunes
Selon les trois quarts des sondés, les journalistes sont jugés trop dépendants du pouvoir politique. Une critique entendue fréquemment au sein du mouvement des « gilets jaunes », qui préfèrent les live sur Facebook pour contrôler leurs propos et se méfient des porte-parole, comme de toute médiation. Au risque de prendre pour argent comptant des informations non vérifiées.
Comme le souligne le sociologue Pierre Rosanvallon, dans sa contribution au livre Le fond de l’air est jaune, comprendre une révolte inédite (Seuil, 222 pages, 14,50 euros), « aujourd’hui, c’est la parole directe qui s’impose comme forme démocratique ; mais c’est du même coup une expression confuse, qui peine à s’unifier et est extraordinairement vulnérable aux théories du complot et aux “fake news”. »
Pour s’informer sur les « gilets jaunes », si les Français privilégient encore des médias traditionnels comme les journaux télévisés des grandes chaînes, la radio ou les chaînes d’information en continu, Facebook – plébiscité par les 18-24 ans, à 54 % – se place désormais devant les titres de la presse quotidienne ou les sites d’information sur Internet.
Des médias accusés d’avoir « dramatisé les événements »
En outre, près de la moitié des sondés jugent mauvaise la couverture de ce mouvement de protestation par les médias, accusés notamment d’avoir « dramatisé les événements » (67 %) et d’avoir laissé trop de place « à des gens qui expriment un point de vue extrême » (52 %). Lors d’une table ronde organisée, mercredi 23 janvier, pour analyser ces résultats, Céline Pigalle, directrice de la rédaction de BFM-TV, la chaîne d’information la plus regardée du pays, prise pour cible par des « gilets jaunes », a semblé faire amende honorable et annoncé des changements visibles à l’antenne « dans les prochains mois ».
Enfin, le sondage révèle une double fracture, générationnelle et sociale : 74 % des plus de 65 ans témoignent d’une appétence moyenne ou grande pour l’actualité, mais seulement la moitié des 15-24 ans s’y intéresse – un taux sensiblement équivalent à celui des moins diplômés (51 %). Dans un éditorial, le rédacteur en chef de La Croix estime qu’il s’agit d’une « alerte à destination des rédactions ». « Le déni parfois pratiqué dans les rédactions n’est plus de mise », écrit-il, jugeant que les journalistes devront « mieux s’interroger sur leurs impasses pour regagner la confiance des médias ». Pour ces derniers, aussi, le temps du grand débat est venu.