Après sa désillusion en demi-finale, l’équipe de France veut se reprendre. / JOHN MACDOUGALL / AFP

Comment se redresser après avoir pris « un rouleau compresseur dans la tête » ? Les joueurs de l’équipe de France de handball auront eu le temps d’y songer au cours des quatre heures de bus qui les ont amenés vendredi soir, sitôt la demi-finale achevée, de Hambourg à Herning, au cœur du Danemark. Quatre heures de route dans la nuit et la neige, pour évacuer la frustration d’un match où ils n’ont jamais été en mesure d’inquiéter leurs adversaires danois.

Laminés vendredi (30-38), les Bleus affrontent, dimanche 27 janvier, l’Allemagne (14 h 30) pour espérer conclure la compétition sur une bonne note. « Comme un boxeur qui s’est pris un KO debout », selon l’image du directeur technique national, Philippe Bana, la France doit remonter sur le ring pour achever la compétition sur une bonne note, et éviter une troisième défaite d’affilée.

« Le handball n’est pas un sport qui se joue à sept et où à la fin, c’est la France qui gagne. Hélas ! » Longtemps, cette formule lancée par Philippe Bana au lendemain de la déroute hambourgeoise des Bleus, aurait pu se passer de négation tant la domination tricolore était établie sur le handball mondial.

« Hélas » pour les Bleus, les temps ont changé, et les équipes adverses - dont de nombreuses stars côtoient désormais les Français dans le championnat de France - n’ont plus de complexes face à eux. La flamboyante attaque danoise l’a prouvée, prenant à revers la défense française.

Retrouver une défense active

Les « tours jumelles » se sont effondrées. Encensés - à juste titre - depuis l’entame de la compétition, le duo de pivots formé par Ludovic Fabregas et Luka Karabatic était parvenu à bloquer l’attaque adverse tout au long de la compétition. Face aux Danois, ils ont incarné la « faillite collective » en défense soulignée par l’entraîneur, Didier Dinart.

« On a fait notre plus mauvais match dans ce secteur », ressassait Ludovic Fabregas après la rencontre. Or, « les équipes de France qui ont eu du succès se sont toujours appuyées sur des défenses hermétiques », rappelait Guillaume Gille avant les demi-finales.

Aux abonnés absents, avec « un temps de retard sur chaque attaque » danoise, selon Valentin Porte, et lacérés par le Danois Mikkel Hansen, les Français doivent retrouver les vertus qui les ont tant de fois portés au pinacle. « On peut être grand, on peut être fort, on peut être rapide, mais le plus important c’est d’avoir l’envie de bien défendre, d’être courageux, d’essayer d’être omniprésent », résume Ludovic Fabregas.

Dans le duel des équipes groggy - France et Allemagne rêvaient de disputer une autre rencontre dimanche, et « toutes deux ont pris un coup derrière la tête », image Kentin Mahé -, l’envie sera primordiale pour obtenir le bronze. « Quand tu as ramassé comme nous, ça ne se joue pas à la tactique mais à l’envie. Si tu ne mets pas tes tripes sur le terrain, tu perds ce match », résume Bana.

Opposés à une Allemagne qui a construit son parcours sur une défense intraitable, les Bleus, dont certains ont semblé moins en jambes face au Danemark - même si aucun n’a souhaité mettre la défaite sur le compte de la fatigue - devront se dépouiller pour sortir la tête haute de la compétition.

Panne de leadership

Depuis la - courte - préparation à la compétition, joueurs comme encadrement ont fait de ce Mondial une étape dans leur objectif principal : retrouver le succès aux Jeux olympiques. Privés de leur meilleur joueur, Nikola Karabatic, et en fort renouvellement depuis quelques années, les Bleus arrivaient au Mondial avec ambition mais sans certitudes.

Si Karabatic a défié la médecine pour revenir à temps pour rejoindre ses partenaires, son manque de préparation - il n’avait pas joué depuis octobre 2018 - l’a empêché d’être présent face aux Danois. Et comme aucun des grands anciens, Michaël Guigou et Luc Abalo, n’ont pris le relais du leadership, le navire bleu, privé de gouvernail, s’est abîmé face aux assauts danois.

« L’équipe n’est pas facile à composer, avec beaucoup d’écart entre les deux générations », synthétise Philippe Bana, assimilant les Bleus à un « diesel olympique » loin d’avoir trouvé son rythme de croisière.

Potentielle courroie de transmission, Kentin Mahé a répondu présent depuis l’entame de la compétition (37 buts). Mais la France aura besoin que ses cadres - y compris dans les cages - soient au rendez-vous pour espérer remporter son quatrième bronze mondial (en cinq participations à la petite finale).

C’est tout le paradoxe de cette équipe. Quand elle mange son pain noir - ou Rugbrød, pour rendre hommage à la spécialité de seigle de l’hôte de la finale -, elle termine malgré tout parmi les quatre meilleures nations du monde. Ce fut le cas l’an passé, avec un bronze européen, ce sera à nouveau le cas cette année quoi qu’il arrive aujourd’hui.

«” Vous, vous faites la tête alors que vous allez jouer pour un podium. Nous, on va jouer pour faire 7e ou 8e”, nous ont tancé nos amis espagnols. Cela nous a fait relativiser », relate Philippe Bana. Mais à force de s’offrir le plus pur des pains blancs, les Bleus auront-ils faim pour du bronze ?