Exposition : Bourdelle et ses élèves, confrontation dans l’atelier du maître
Exposition : Bourdelle et ses élèves, confrontation dans l’atelier du maître
Par Florence Evin
Le Musée Bourdelle à Paris montre le sculpteur au travail chez lui, jusqu’au 3 février.
« La Chilienne » (Henriette Petit), élève et modèle, sculpture d’Antoine Bourdelle, en 1928. / MUSÉE BOURDELLE / FLORENCE EVIN
Il faut voir l’exposition Transmission/Transgression, jusqu’au 3 février, au Musée Bourdelle à Paris, dans l’atelier même du sculpteur Antoine Bourdelle (1861-1929), resté tel quel. Un lieu magique qui témoigne de l’effervescence de la création au tournant du siècle et dans les années d’après guerre. Ses élèves-assistants, une cinquantaine par an, venaient de toute l’Europe, des Etats-Unis, du Brésil, de Chine, du Japon. La moitié étaient des femmes, élèves, assistantes, souvent modèles.
Charismatique, bienveillant, ce petit-fils de chévrier, fils d’ébéniste, transmettait le savoir-faire tout en laissant libre cours à ses élèves. « Je ne suis pas un maître d’école, un professeur, mais un artiste qui travaille avec vous », disait-il ; « Ici, il faut casser tous les vieux moules de l’enseignement » ; ou encore « La charpente osseuse chez n’importe quel modèle, c’est tout, c’est le canevas d’un drame, d’un roman » ; « C’est le ressort intérieur qui anime les surfaces ».
Le Grand Hall des plâtres, au Musée Bourdelle. / MUSÉE BOURDELLE / FLORENCE EVIN
Bourdelle aura enseigné dans son atelier de Montparnasse et à l’Académie de la Grande Chaumière, puis aux Gobelins, à quelque « 400 élèves identifiés de par le monde », qui ont suivi ses cours, précise Amélie Simier, la directrice du Musée Bourdelle, co-commissaire de l’exposition. Les photos, négatifs sur plaque de verre, épreuves gélatino-argentiques, qui ponctuent le parcours témoignent de l’essaim féminin en blouses blanches qui l’entoure et le seconde dans son ouvrage.
Portrait de Rodin, par Antoine Bourdelle, en 1909, bronze. / MUSÉE BOURDELLE / FLORENCE EVIN
Notes, dessins, esquisses, croquis, figures de plâtre et de bronze, font revivre cinquante ans de création, jusqu’à confronter les œuvres de Bourdelle à celles de ses élèves, Alberto Giacometti, Germaine Richier. La scénographie ouvre avec la commande de Rodin. Il s’agissait pour Bourdelle de transcrire dans la pierre le plâtre du maître, l’Eve au rocher. Treize ans de travail, de 1893 à 1906, lui furent nécessaires pour reprendre la taille de ses propres praticiens dont il n’était pas satisfait. Le résultat est le corps parfait d’Eve, la peau velouté au teint blanc neige. « C’est miraculeux de doigté, écrit Bourdelle, c’est un virtuose (Rodin), mais je veux absolument que la vie de mes êtres se dégage des volumes profonds, en opposition avec l’œuvre toute entière de Rodin ». Comme un pied de nez, en 1909, il sculptait le portrait caricatural de ce géant, comme taillé au couteau dans le bronze.
Masque de Beethoven, par Antoine Bourdelle, avec la citation du compositeur incisée sous le portrait du génie tourmenté : « Moi, je suis Bacchus qui pressure pour les hommes le nectar délicieux ». / MUSÉE BOURDELLE / FLORENCE EVIN
L’impressionnante série des masques de Beethoven, sur lesquels il reviendra toute sa vie, jusqu’à saisir la fêlure qui nourrit le génie, exprime la sensibilité à fleur de peau de Bourdelle. Une détermination que l’on retrouve dans le portrait saisissant de « La Chilienne », Henriette Petit, qui fréquentait ses cours. Une plongée dans l’intimité d’un grand maître, jusqu’à la pièce à vivre, récemment restaurée, une belle flambée dans la cheminée, toujours allumée.
La pièce à vivre de l’atelier de Bourdelle à Montparnasse, récemment restaurée, où il recevait, une flambée dans la cheminée et vue sur le jardin. / MUSÉE BOURDELLE / FLORENCE EVIN
« Transmission/Transgression. Maîtres et élèves dans l’atelier, Rodin, Bourdelle, Giacometti, Richier… ». Musée Bourdelle, Paris 15e. De 10 heures à 18 heures, sauf le lundi. De 6 € à 8 €. Jusqu’au dimanche 3 février.