Ils ne s’en cachent pas : l’essayiste Raphaël Gluckmann, l’écologiste Claire Nouvian et l’économiste Thomas Porcher, les trois leaders de Place publique, veulent mettre « la pression » sur la gauche à moins de cinq mois des élections européennes. Le mouvement tenait un meeting mardi 29 janvier dans la soirée à l’Elysée Montmartre à Paris. Le succès était au rendez-vous. La salle était pleine à craquer et plusieurs centaines de personnes ont dû rebrousser chemin, malgré une longue attente sous la pluie.

A la tribune, outre ses trois figures médiatiques, des militants de base (les « porteurs de cause ») et les invités (un étudiant étranger, un « gilet jaune », un enseignant en banlieue, et une doctorante) enchaînaient les prises de parole. Des politiques se sont également exprimés, comme l’ancien candidat écologiste à la présidentielle de 2002 Noël Mamère, les harmonistes Barbara Romagnan et Aurore Lalucq ; la socialiste Corinne Narassiguin ou encore le socialiste belge Paul Magnette. Dans la salle on pouvait aussi croiser la maire de Paris Anne Hidalgo ; l’ancien Vert et ancien du MoDem Jean-Luc Bennahmias ; les dirigeants de Génération. s (le mouvement de Benoît Hamon) Guillaume Balas, Dominique Bertinotti et Pascal Cherki ; l’humoriste de France Inter Guillaume Meurice. Beaucoup de beau monde, donc.

« Il n’y a plus d’excuses »

Mais les gens qui avaient fait le déplacement voulaient surtout voir si les appels à l’unité de la gauche non-mélenchoniste, orpheline d’une formation pouvant réunir cette famille politique, allaient se concrétiser. Pour Place publique, il faut faire passer « les idées avant tout ». Une liste de dix points (entre autres : « Ecologie avant l’austérité » ; suspension du CETA et des nouveaux traités de libre-échange ; lutte contre les paradis fiscaux ; lutte contre les lobbys ; pour un ISF européen ; contre les grandes coalitions avec la droite au Parlement européen) a donc été développée. Ces thèmes doivent servir de colonne vertébrale à un éventuel rassemblement.

« C’est un moment crucial. On ne voulait pas faire une chapelle de plus dans une gauche française où il y a plus d’églises qu’à Rome, a-t-il rappelé. On est passé pour des abrutis, des candides et des naïfs mais notre naïveté et notre candeur est plus intelligente que toutes les stratégies et stratagèmes. » L’objectif est clair : il faut « éviter la Berezina » que serait la présence de plusieurs listes « sociales, démocrate set écologistes ». « La démocratie c’est le dissensus. Mais quand on pense la même chose, multiplier les offres politiques, c’est suicidaire, a continué M. Glucksmann. Il faut éviter le face-à-face mortifère entre libéralisme et national-populisme. Sinon on sera pathétique. Etre pathétique, c’est avoir une attitude comique quand la situation est tragique. » Thomas Porcher : « Il n’y a plus d’excuses si on veut mettre une raclée au Rassemblement national et à La République en marche. »

Méfiance à l’égard du PS

Pas question, pour autant, de refaire « la gauche plurielle », l’idée est de refonder la gauche autour de l’écologie. Mais le chemin de l’unité semble encore long. Europe-Ecologie Les Verts et le PCF ont snobé la soirée. Et ceux présents pouvaient émettre de sérieuses réserves sur l’avenir de la démarche. « S’il y a une union on y va. Mais j’ai du mal à croire que ça puisse exister sans Benoît Hamon et sans Yannick Jadot. », soupirait M. Bennahmias, à la tête de la petite formation Union des démocrates et des écologistes (UDE).

D’autres se méfient du rôle que pourrait jouer le Parti socialiste qui est intéressé par une alliance avec Place publique. Olivier Faure, son premier secrétaire, n’en finit pas de lancer des signes dans ce sens. Dernier épisode en date : l’inventaire que le chef des socialistes a dressé lundi à propos du quinquennat de François Hollande. Une critique sans concession qui entend montrer que la formation a changé et qu’elle est redevenue fréquentable à gauche. Ce qui ne rassure pas (totalement) ses anciens camarades de Génération. s qui en profitent pour faire monter les enchères.

« Il est évident qu’il y a une défiance très grande. Le PS a toujours tenu des discours de gauche dans l’opposition et a trahi, une fois au pouvoir. On continuera à travailler en parallèle sur notre campagne [qui doit être menée par Benoît Hamon], lance ainsi Guillaume Balas. Tout ce qu’il se passe à gauche nous intéresse, nous avons toujours prôné le rassemblement et l’unité. On attend de la clarté sur la stratégie, mais aussi des assurances et des garanties sur la sincérité des partenaires, notamment le PS. » A gauche, on le sait plus qu’ailleurs : l’union est un combat.