Le 16 décembre 2018, au GGL Stadium, les joueurs de Montpellier (à gauche) et de Toulon (à droite) rendent hommage au jeune espoir du Stade français Nicolas Chauvin, mort le 12 décembre 2018. / SYLVAIN THOMAS / AFP

Eux aussi veulent se joindre au débat. D’après nos informations, un petit collectif projette de créer une « Fédération de parents de joueuses et de joueurs de rugby ». Les statuts de cette future association devraient être déposés ce mois-ci, avec un sous-titre : « Rugby pour la vie ». Et une profession de foi :

« Nous, parents, comptons peser sur les instances dirigeantes du rugby français pour que des décisions soient prises et suivies dans le temps pour la sécurité et la santé des joueuses et joueurs de rugby. »

Les propos résonnent d’un triste écho. En moins d’un an, quatre joueurs de 17 à 23 ans ont perdu la vie à la suite de plaquages. Trois d’entre eux, à des niveaux différents, jouaient avec une licence de la Fédération française de rugby (FFR) : le professionnel Louis Fajfrowski (Aurillac), l’espoir du Stade français Nicolas Chauvin, ainsi que le junior Adrien Descrulhes (Billom). Le quatrième, Nathan Soyeux, non licencié, participait à un simple tournoi d’étudiants.

« Changeons les règles d’urgence »

L’association prévoit de fixer le prix de l’adhésion à 1 euro symbolique. Le projet reste pour l’instant modeste. Il compte moins de dix membres fondateurs. Ces pères et mères ont d’abord fait connaissance sur Internet, après avoir lancé plusieurs pétitions non concertées avec plus ou moins le même mot d’ordre, depuis cet hiver : « Changeons les règles d’urgence pour protéger nos enfants. » Le site Change.org a finalement rassemblé leurs initiatives, qui comptabilisent à ce jour 891 signatures, l’objectif étant fixé au millier.

La présidence de la future structure échoira en principe au responsable d’une agence de communication à Paris, Laurent Tison, père de trois rugbymen. C’est un chef d’entreprise en Gironde (où devrait être domiciliée l’association), Cyril de Sagazan, lui aussi père de trois jeunes licenciés, qui assumera la fonction de secrétaire général. Ce dernier précise :

« Nous, nous voulons être force de proposition. Nous préférons rester en dehors de la Fédération et de la Ligue [nationale de rugby] pour faire entendre notre propre voix, pour mieux essayer de recentrer les débats sur les priorités du rugby amateur. »

Et d’ajouter, en songeant peut-être aux démarches des familles de joueurs de football américain, aux Etats-Unis :

« Ce n’est pas l’idée première, mais, si nous sommes confrontés à trop de murs et à trop de déni, peut-être que nous serons obligés d’en arriver là, de devenir une force judiciaire, une sorte de “class action”. »

« Les morts ne sont pas de simples statistiques »

Le sociologue Sébastien Dalgalarrondo, chargé de recherche au Centre national de recherche scientifique (CNRS), entend apporter son soutien à la création de l’association. Il l’estime nécessaire dans un contexte où, selon lui, la Fédération française de rugby adopterait « la logique de l’autruche » et tendrait à « minimiser » la gravité de la question par peur d’effrayer ses licenciés. Depuis le début de saison, celle-ci a déjà communiqué plusieurs mesures pour tenter de rassurer parents et enfants, comme l’introduction systématique du jeu à toucher pour les jeunes de moins de 12 ans.

Jeudi 31 janvier, dans une salle de l’université Paris-Descartes, Sébastien Dalgalarrondo a participé à une journée en hommage à Nicolas Chauvin. Un colloque auquel a également participé Didier Retière, directeur technique national de la FFR. Titre des débats : « Rugby & formation, un enjeu de santé ».

En préambule, un homme avait ouvert la journée : Philippe Chauvin, le père de Nicolas, cet espoir du Stade français mort à l’âge de 18 ans. « Ce colloque rappelle que les morts ne sont pas de simples statistiques », a-t-il déclaré avec dignité. Le père ne figure pas, pour l’instant, parmi les membres de l’association en cours de création. Pas plus que les trois autres familles endeuillées.