Loi santé : les futurs hôpitaux de proximité inquiètent les élus locaux
Loi santé : les futurs hôpitaux de proximité inquiètent les élus locaux
Par François Béguin
Alors que le projet de loi doit être débattu à l’Assemblée la semaine du 18 mars, les maires entendent peser dans la définition de ce qu’il sera possible de faire dans ces établissements.
C’est l’une des principales mesures de la loi santé que doit présenter Agnès Buzyn, la ministre de la santé, mercredi 13 février, au conseil des ministres. Afin de mieux « graduer » l’offre de soins dans le pays, des dizaines de centres hospitaliers vont être labellisés « hôpitaux de proximité » ces prochaines années. Couplée à une réforme des autorisations des activités de soins, la mesure inquiète fortement certains élus locaux.
Elle peut être lue de deux façons. Côté pile, les établissements concernés seront certes assurés d’un « socle » de services (médecine polyvalente, soins de suite et réadaptation, gériatrie…) ainsi que d’un certain niveau d’équipements (laboratoire d’analyse, radiologie, etc.). Un financement adapté, non directement indexé sur leur activité, leur sera également garanti. « On remet en face les moyens et les besoins, certains hôpitaux vont y gagner », promet Thomas Mesnier, le député (LRM) corapporteur de la loi santé.
Côté face, ces hôpitaux devraient renoncer à leurs plateaux techniques, c’est-à-dire à leurs blocs chirurgicaux, dont sont déjà dépourvus les actuels 243 hôpitaux de proximité. Cela se traduirait pour eux par la fin de la chirurgie conventionnelle et de l’obstétrique. Même si Agnès Buzyn s’est engagée à ce qu’il n’y ait pas de fermeture d’établissement, le sujet est sensible. « Pour redessiner la carte hospitalière et adapter l’offre de soins, le pouvoir politique marche sur des œufs. Pour fermer sans fermer, il transfert, il transforme », décrypte Claude Le Pen, économiste de la santé à l’université Paris-Dauphine.
A l’Association des maires de France (AMF), le projet est d’ores et déjà fortement critiqué. « Il y a un tour de passe-passe derrière tout ça, », estime Nicolas Sansu, maire (PCF) de Vierzon et vice-président de l’AMF, où il est en charge du groupe « ville et santé ». Pour lui, sans chirurgie ni maternité, « c’est un abus de langage d’appeler hôpital de proximité ce qu’on aurait appelé dispensaire il y a quelques années ».
Alors que plusieurs maires (Saint-Claude, Vierzon, Creil, Le Blanc) se battent actuellement pour conserver ou retrouver leur maternité, souvent sur la sellette par manque d’un nombre suffisant de gynécologues et d’anesthésistes, le maire de Vierzon, qui vient de sauver sa structure, juge que « le gouvernement fait fausse route en déshabillant certains territoires de services hospitaliers. Cette métropolisation de la santé est une erreur manifeste qui aura des répercussions politiques ».
Pas d’objectif chiffré
« Cette réforme est dans la continuité de ce qu’ont fait Roselyne Bachelot et Marisol Touraine, elle conforte cette vision globale d’un hôpital unique par département », constate pour sa part Dominique Colas, le président de l’Association nationale des centres hospitaliers locaux (ANCHL). Il dénonce l’affiliation obligatoire de ces petits hôpitaux à des groupements hospitaliers de territoire (GHT), créés par la précédente loi santé en 2016, et qui se traduit par des « fermetures de lits ou de services au profit des hôpitaux principaux » du groupement.
Les projets gouvernementaux sont pour l’instant encore flous, les ordonnances établissant les critères de ces futurs « hôpitaux de proximité » ne devant être publiées qu’à l’issue d’une phase de concertation de plusieurs mois. Au ministère de la santé, où l’on avait d’abord annoncé 500 à 600 hôpitaux de proximité d’ici à 2022, soit 250 à 350 labellisations, on renonçait prudemment, lundi 11 février, à donner tout objectif chiffré à la mesure, assurant qu’il n’y aurait pas de « décision couperet » au sujet de ces hôpitaux.
On assumait cependant d’inscrire la réforme dans la feuille de route tracée par Emmanuel Macron à l’Elysée le 18 septembre 2018 lors de son discours sur la réforme du système de santé. « Pour garantir le juste soin de qualité, (…) certaines activités devront fermer à certains endroits quand des plateaux techniques sous-utilisés deviennent dangereux ou que l’absence de médecin qualifié ne permet pas de les sécuriser », annonçait en toute transparence le chef de l’Etat, assurant qu’il ne laisserait « jamais ouvert un service dans lequel aucun d’entre nous n’enverrait ses enfants ».
Alors que le projet de loi doit être débattu à l’Assemblée la semaine du 18 mars, les maires entendent peser dans la définition de ce qu’il sera possible de faire dans ce futur « hôpital de proximité ». « Il faut peser sur le législateur pour que des activités chirurgicales qui ne requièrent pas d’autorisation chirurgicale, comme la pose d’un pacemaker, continuent d’être possibles dans ces hôpitaux », explique Marie-Claude Jarrot, la maire (DVD) de Montceau-les-Mines. Elle souhaite également que des activités de « petite chirurgie de première nécessité », comme la cataracte, la hernie viscérale ou l’arthroscopie du genou puissent être faites dans ces établissements, qu’elle aimerait voir nommer « bassin de vie ».