Permis de conduire : un rapport favorise l’émergence des auto-écoles en ligne
Permis de conduire : un rapport favorise l’émergence des auto-écoles en ligne
Par Rafaële Rivais
Ce rapport, commandé par le premier ministre dans le but de « favoriser l’accessibilité du permis de conduire », inquiète les syndicats d’auto-écoles traditionnelles.
Aussitôt remis au premier ministre et rendu public, mardi 12 février, le rapport sur le permis de conduire rédigé par la députée Françoise Dumas (Gard, La République en marche) a suscité les applaudissements de plusieurs auto-écoles en ligne, qui considèrent que s’il était suivi, il leur permettrait de poursuivre leur développement. Il mécontente en revanche les auto-écoles traditionnelles, qui, lundi, ont organisé plusieurs opérations escargot pour protester contre ses propositions. Le Syndicat national Force ouvrière des inspecteurs, cadres et administratifs du permis de conduire et de la sécurité routière (Snica-FO), s’est joint à elles.
Ce rapport avait été commandé le 3 août 2018 par le premier ministre, Edouard Philippe, dans le but de « favoriser l’accessibilité du permis de conduire, tant en termes de prix que de délai, et d’assurer un haut niveau de qualité pour l’éducation routière ». Il contient vingt-trois propositions qui, selon le premier ministre, « visent à poursuivre la réforme engagée en 2015 » par la loi Macron.
Eviter les actions judiciaires des syndicats
Si les recommandations du rapport sont suivies, les plateformes en ligne, qui enseignent le code à distance et qui n’emploient plus, pour former à la conduite, de moniteurs salariés mais des auto-entrepreneurs, vont pouvoir se développer, sans être freinées par les actions judiciaires des syndicats d’auto-écoles traditionnelles. Mme Dumas propose en effet de dire que l’agrément qui leur est délivré a une portée « nationale », et non « départementale ».
L’Union nationale des indépendants de la conduite (UNIC) a fait de nombreux procès aux auto-écoles en ligne, en soutenant que leur agrément n’était que départemental, et la justice a considéré, à propos de Marianne (ex-Ornikar) ou de En Voiture Simone, qu’il avait une portée nationale. « Il importe désormais de clarifier ce point en modifiant l’article R 213-1 du code de la route », indique la députée.
En outre, pour que les nouveaux acteurs du marché puissent se développer sans « barrière », l’élue propose une « désintermédiation totale du système d’inscription à l’examen pratique », telle que l’avait préconisée l’Autorité de la concurrence dans un avis du 26 janvier 2016. Il s’agit de permettre aux candidats à la conduite de s’inscrire seuls à l’examen, grâce à un « calendrier en ligne pour l’intégralité du territoire ».
Pour l’instant, seule une minorité d’élèves (0,62 % ) s’inscrivent individuellement, en candidats libres, depuis que la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (dite loi Macron) le leur a permis. Ce sont souvent ceux qui viennent de plateformes en ligne, et ceux qui ont déjà échoué deux fois et que leurs auto-écoles ne veulent plus représenter, parce qu’ils ne leur permettraient pas d’obtenir des places, selon les critères de la « méthode nationale d’attribution des places d’examen » en vigueur.
Contrer les « effets pervers » du mode de calcul rétrospectif
Cette méthode instaurée il y a une quarantaine d’années prévoit que les préfectures attribuent chaque mois un quota de places à chaque école, non pas en fonction de son nombre d’élèves inscrits, mais du nombre de ceux qu’elle a présentés à l’examen, au cours des douze mois qui précèdent, une première et une seconde fois. L’Autorité de la concurrence a constaté que « les écoles en croissance se trouvent freinées dans leur dévelppement » par ce mode de calcul rétrospectif. Elle en a aussi souligné les « effets pervers » :
« Les établissements cherchant à conserver un nombre maximum de places sont amenés à s’échanger/se revendre les places qui ne leur sont en réalité pas nécessaires, réduisant ainsi la possibilité pour les candidats libres d’obtenir des places. »
Le fait pour un élève de s’inscrire en candidat libre lui permettrait de maîtriser sa date de passage à l’examen, de programmer sa formation en conséquence, et de diminuer ses frais d’heures de cours supplémentaires, d’en moyenne « 200 euros par mois ». En outre, l’inscription directe permettrait de libérer 150 postes de « répartiteurs » dans les directions départementales territoriales, et de les affecter au service de la sécurité routière. Le rapport précise toutefois que, « pour limiter les multiplications abusives de présentation », il faudra fixer un prix, déterminer un délai minimal entre deux présentations, et obliger l’élève à déclarer où il a pris ses dernières heures de cours.
Le Snica-FO s’oppose à la désintermédiation. Il assure que si les élèves peuvent fixer leur date d’examen, ils passeront le permis sans être prêts, et le rateront, ce qui vaudra aux inspecteurs de « nouvelles agressions ». Il s’inquiète aussi du fait que, lorsque les élèves viennent en candidats libres, ils sont le plus souvent accompagnés d’un membre de leur famille qui n’est « pas neutre dans la voiture », pendant l’examen. Le syndicat craint enfin que si le niveau baisse, et que le nombre d’examens se multiplie, la fonction d’inspecteur ne soit privatisée ou externalisée, comme cela a été le cas pour la fonction de surveillant du code. Le Snica-FO fait enfin valoir que « le modèle économique d’ubérisation » promu par le rapport va à l’encontre du modèle de société qu’il préconise.
Pour aider les jeunes à financer leur permis, dont le coût moyen s’élève à 1 600 euros, le rapport propose de l’intégrer au Service national universel (SNU), qui doit être lancé au mois de juin. Le code serait passé pendant la partie obligatoire de trois semaines, et la conduite pendant la période facultative de trois à douze mois.
Il propose aussi d’autoriser le passage du permis, ainsi que la conduite, dès 17 ans, pour les jeunes qui se sont préparés dans le cadre de l’apprentissage anticipé. Actuellement, ils peuvent le passer à 17 ans et demi seulement, et ils doivent attendre l’âge de 18 ans pour conduire. En 2017, seuls quelque 25 % des permis ont été obtenus dans le cadre de la conduite accompagnée.