Espagne : en huit mois, Pedro Sanchez a regagné l’électorat de gauche
Espagne : en huit mois, Pedro Sanchez a regagné l’électorat de gauche
Par Sandrine Morel (Madrid, correspondance)
Les mesures sociales et en faveur de l’accueil des migrants ont permis au Parti socialiste ouvrier espagnol de creuser l’écart avec Podemos.
L’« Aquarius » à Valence, en juin 2018. / Kenny Karpov / AP
Durant ses huit mois au pouvoir, le socialiste Pedro Sanchez s’est attaché, avant tout, à reconquérir le terrain politique perdu ces dernières années au profit du parti de gauche radicale Podemos. L’une de ses premières annonces a ainsi été son intention de procéder à l’exhumation de Franco du Valle de los Caidos, la basilique construite par des prisonniers républicains à une cinquantaine de kilomètres de Madrid. « Une démocratie ne peut pas se permettre d’avoir un monument à la gloire d’un dictateur », avait-il proclamé en juin 2018.
M. Sanchez pensait pouvoir sortir la dépouille momifiée du Caudillo avant la fin de l’été. Il a finalement dû passer par un décret pour vaincre l’opposition des petits-enfants du dictateur et des moines bénédictins qui veillent sur la basilique. Et a essayé de négocier avec la famille et l’Eglise, pour éviter le conflit ouvert. Jusqu’ici en vain. M. Sanchez pourrait désormais être tenté d’ordonner l’exhumation à la veille des élections législatives, comme un dernier coup d’éclat.
En Europe aussi, le dirigeant de 46 ans a joué une opération séduction. Son premier geste politique d’envergure a été d’accueillir le bateau de sauvetage de migrants Aquarius au port de Valence, avec 630 personnes à son bord. Alors que l’Italie et Malte le laissaient errer en Méditerranée, lui a ouvert les ports espagnols, revendiquant les « valeurs humanitaires de l’Europe ».
« Remontada » électorale
Sur le terrain social, il a augmenté le salaire minimum de 22 %, le faisant passer de 740 à 900 euros, payé sur quatorze mois, depuis le 1er janvier. Par décret, il a aussi rétabli l’accès au système de santé publique pour les sans-papiers, réindexé les retraites sur l’inflation, augmenté le salaire des fonctionnaires…
Le dirigeant socialiste savait son exécutif beaucoup trop fragile, avec seulement 84 députés sur 350, pour espérer gouverner normalement. En novembre 2018, il avait d’ailleurs d’abord écarté l’idée de soumettre son projet de budget au Parlement, faute de soutiens suffisants. Mais proroger les comptes de Mariano Rajoy vidait de son sens sa législature et contredisait son principal objectif : en faire une vitrine de la politique qu’il pourrait mener s’il était élu, avec une majorité confortable. Une stratégie en partie efficace.
Après son exécutif le plus féminin d’Europe (onze femmes ministres pour six hommes), intégrant des personnalités respectées dans leur domaine, le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) a bondi à la première place dans les sondages, creusant l’écart avec Podemos. Une remontada électorale toutefois insuffisante, selon les sondages, pour l’emporter si les conservateurs du PP et les libéraux de Ciudadanos choisissaient de s’allier au parti d’extrême droite Vox.