Le premier ministre japonais Shinzo Abe, le 18 février à Tokyo. / AP

Les révélations sur le possible soutien du premier ministre japonais, Shinzo Abe, pour que le président américain, Donald Trump, obtienne le prix Nobel de la paix, suscitent un embarras réel dans l’Archipel. M. Trump serait candidat pour avoir amorcé, en 2018, le rapprochement avec la Corée du Nord, concrétisé en juin 2018 à Singapour par le premier sommet américano-nord-coréen de l’histoire. Or, le soutien de M. Abe aurait été décidé à la demande de M. Trump lui-même. Selon des sources diplomatiques reprises mardi 19 février par la presse nippone, le président américain l’aurait sollicité lors d’un entretien téléphonique, le 22 août 2018.

L’initiative est restée secrète jusqu’au 15 février, quand Donald Trump s’est ouvertement réjoui d’avoir obtenu de M. Abe « la plus belle copie d’une lettre qu’il a envoyée à ceux qui distribuent une chose appelée le prix Nobel ». D’après M. Trump, Shinzo Abe l’a fait « parce qu’il avait des fusées et des missiles survolant le Japon, qui déclenchaient des alarmes. Et tout d’un coup ils se sentent bien. Ils se sentent en sécurité. Je l’ai fait »

Le renforcement de l’alliance bilatérale avec les Etats-Unis est une priorité de Shinzo Abe qui fait tout pour maintenir de bonnes relations avec Donald Trump

Au Japon, l’opposition a vivement réagi. Le 18 février au Parlement, le député du Parti démocrate du peuple, Yuichiro Tamaki, a rappelé qu’aucun des dossiers en suspens avec la Corée du Nord – les missiles menaçant le Japon, les enlèvements des ressortissants nippons ou le risque nucléaire – n’était résolu. « Si nous considérons que la situation actuelle mérite le prix Nobel de la paix, je crains que cela n’adresse un message erroné à la Corée du Nord et à la communauté internationale », a-t-il lancé.

« Impossible »

Rappelant notamment la sortie de l’accord sur le nucléaire iranien ou de l’accord de Paris sur le climat, Junya Ogawa, du Parti démocrate constitutionnel, a jugé « impossible » de proposer Donald Trump pour le Nobel. « Ce serait honteux de la part du Japon ».

M. Abe n’a ni confirmé, ni nié avoir adressé la lettre au comité norvégien du Nobel. Il a toutefois vanté l’action du président américain, qui aurait « répondu de manière décisive aux problèmes nucléaires et de missiles de la Corée du Nord ». M. Abe l’a également remercié d’avoir abordé la question des enlèvements de Japonais lors du sommet de Singapour.

Le renforcement de l’alliance bilatérale avec les Etats-Unis est une priorité de Shinzo Abe qui fait tout pour maintenir de bonnes relations avec Donald Trump. Quelque peu isolé sur le dossier nord-coréen, il craint cependant de voir M. Trump accepter un accord avec le dirigeant Kim Jong-un, qui soit défavorable à l’Archipel. Lors du sommet des 27 et 28 février à Hanoï, Donald Trump et Kim Jong-un pourraient s’entendre sur les missiles balistiques intercontinentaux pouvant atteindre le territoire américain, mais négliger ceux à portée intermédiaire menaçant le Japon. Ces craintes sont alimentées par un dialogue direct qui se raréfie. MM. Abe et Trump ne se sont pas entretenus depuis le 30 novembre 2018, alors qu’ils le faisaient quasiment tous les mois. Et le dirigeant américain ne semble pas prêt à discuter avec M. Abe avant le sommet de Hanoï, comme il l’avait fait avant celui de Singapour.