En baisse dans les sondages, Poutine promet « plus d’enfants, moins d’impôts »
En baisse dans les sondages, Poutine promet « plus d’enfants, moins d’impôts »
Par Isabelle Mandraud (Moscou, correspondante)
Mercredi, dans son discours à la nation, le chef du Kremlin a promis une « meilleure qualité de vie » aux familles.
Pas de « gilets jaunes » à l’horizon, mais, plombé par des sondages qui ne se redressent pas, Vladimir Poutine préfère prendre ses précautions. Dans son discours à la nation, prononcé mercredi 20 février sous les voûtes du Gostiny Dvor, une gigantesque halle à deux pas de ses bureaux, le chef du Kremlin a mis l’accent sur une série de mesures « dès cette année » en faveur des familles, ainsi résumée : « Plus d’enfants, moins d’impôts. »
Cette « injection d’optimisme social », selon la jolie formule du politologue Dmitri Orechkine, passe par une réduction des impôts fonciers au-delà du deuxième enfant, y compris pour les datchas, les maisons secondaires, le doublement de l’allocation enfant handicapé, ou bien encore l’abaissement du crédit hypothécaire, voire la prise en charge d’une partie de la dette à hauteur de 450 000 roubles (environ 6 000 euros). « Nous ne devons pas répéter les erreurs des dernières décennies et attendre “l’arrivée du communisme”, c’est maintenant qu’il faut changer la situation, en mieux », a déclaré Vladimir Poutine, en présentant les familles comme la « carcasse morale » du pays…
« Moins d’attitudes arrogantes et hautaines », a aussi recommandé le chef de l’Etat aux fonctionnaires. La Russie compte 19 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté, et le niveau d’inégalités atteint des records dans certaines régions. Le programme d’incitation financière « Zemsky Doctor », pour les médecins installés dans les villages, sera donc étendu. Les enseignants qui acceptent de s’installer en zone rurale bénéficieront à leur tour d’une prime de 1 million de roubles pour acquérir un logement. Le système de soins longue durée sera « radicalement » changé. En six ans, 1 000 milliards de roubles devraient ainsi être investis pour la lutte contre le cancer.
Peu après, le paquet de toutes ces mesures annoncées – hors plan cancer – a été estimé par le ministre des finances, Anton Silouanov, interrogé par la chaîne Rossia 24, à 100-120 milliards de roubles par an. Mais déjà des économistes ont calculé que la hausse de la TVA de 18 à 20 %, mise en œuvre depuis le 1er janvier, rapporterait plus de 600 milliards de roubles à l’Etat sur l’année… Cette augmentation, tout comme la très impopulaire réforme des retraites, nourrit le mécontentement. Entre-temps, les revenus réels des Russes ont continué de régresser pour la cinquième année de suite – 12 % cumulés depuis 2014.
Une cote de popularité en baisse
Un an après sa réélection à la tête du pays, la cote de confiance à Poutine, au pouvoir depuis vingt ans, est tombée le 10 février à 32,6 % selon l’institut public VTsIOM, soit le niveau le plus bas depuis l’introduction de ce sondage en 2006. Certes, 64 % des Russes interrogés par l’institut indépendant Levada disent soutenir la politique du président, mais, ici aussi, la chute est sévère : ils étaient 82 % en avril 2018, au lendemain du vote.
Mercredi, Vladimir Poutine a donc volontairement réduit la partie internationale de son discours. Rien, ou presque, sur la Syrie. Quelques bons points décernés aux amis, comme l’Inde, la Chine ou le Japon, avec lequel le chef du Kremlin espère « impérativement » signer un traité de paix, toujours en suspens depuis la fin de la seconde guerre mondiale. A peine quelques mots pour l’Union européenne, dans l’attente qu’elle « prenne des mesures réelles pour rétablir les relations économiques normales avec la Russie ».
Restait le morceau de choix, les Etats-Unis, accusés de mener une « politique inamicale » et de lancer « des opérations antirusses dans tous les sens ». Après le récent retrait des Américains du traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI), imité ensuite par la partie russe, Vladimir Poutine a averti :
« La Russie sera obligée de déployer des types d’armements qui pourront être utilisés non seulement contre les territoires d’où vient la menace, mais aussi contre les territoires où sont installés les centres de décision. »
Comme l’an passé, lorsqu’il avait consacré plus de 45 minutes au sujet lors du même exercice, le chef de l’Etat a de nouveau vanté son arsenal nucléaire, sans avoir néanmoins recours, cette fois, à des écrans animés.
Les Russes s’y attendaient un peu. Interrogées au préalable sur leurs attentes par le journal Kommersant, 18,5 % des quelque 20 000 personnes qui se sont prêtées à ce sondage en ligne, avaient répondu : « un récit sur les nouveaux missiles ». Seulement 4,6 % avaient coché la case « nouvelles mesures sociales ».