La statue du prêtre de Solidarnosc, accusé de pédophilie, renversée à Gdansk
La statue du prêtre de Solidarnosc, accusé de pédophilie, renversée à Gdansk
Par Jakub Iwaniuk (Varsovie, correspondance)
Henryk Jankowski était le responsable, entre 1970 et 2009, de la paroisse Sainte-Brigitte de Gdansk, haut lieu de l’opposition au régime communiste.
Des activistes renversent une statue du prêtre Henryk Jankowski, à Gdansk, le 21 février. / Bartek Sabela / AP
L’action a été minutieusement préparée, exécutée et filmée pour coïncider avec l’ouverture, au Vatican, de la conférence sur la pédophilie au sein de l’Eglise. Dans la nuit du 21 au 22 février, trois activistes ont renversé la statue du prélat Henryk Jankowski dans le square qui porte son nom, à Gdansk. Il s’agit d’un des prêtres les plus influents de ces dernières décennies en Pologne, curé attitré et icône du syndicat Solidarnosc pendant la lutte contre le communisme. Mort en 2010, il fait face à de graves accusations de pédophilie.
Les trois hommes sont parvenus à déboulonner l’imposante statue avec son socle de pierre et à faire tomber l’ensemble sur un tapis de pneus, la laissant par terre quasiment intacte. Ils ont recouvert le monument de linges d’enfants. Leur but, ont-ils affirmé, était de « détruire le faux et odieux mythe » d’Henryk Jankowski « mais pas la matière de sa statue ». Les activistes se sont rendus à la police après avoir envoyé aux médias un manifeste, sous forme de réquisitoire, contre le prêtre, l’Eglise, qui l’a « couvert », et les autorités publiques, qui l’ont « honoré ».
Henryk Jankowski était le responsable, entre 1970 et 2009, de la paroisse Sainte-Brigitte de Gdansk, haut lieu de l’opposition au régime communiste. Après 1989, il est devenu de plus en plus controversé, notamment à cause de prises de position antisémites. Mais il restait d’une influence considérable dans la hiérarchie ecclésiastique, intouchable, malgré deux premières plaintes pour abus sexuels déposées en 2004.
« Nous avions entendu des choses »
En décembre 2018, le quotidien Gazeta Wyborcza a publié un long reportage accablant sur les pratiques pédophiles du prêtre Jankowski, dont les premières remonteraient à la fin des années 1960. L’enquête insiste sur l’omerta qui l’entourait : ses penchants étaient largement connus non seulement au sein de l’Eglise, mais aussi parmi les paroissiens et les enfants vivant à proximité de son église.
« Pour moi, c’est un choc. Nous avions entendu des choses, mais rien d’aussi tragique et d’aussi énorme », a affirmé Lech Walesa, cofondateur de Solidarnosc, dont le prêtre Jankowski était le confesseur. Selon le diocèse de Gdansk, l’Eglise n’a « pas de matière » pour mettre en place une commission d’enquête. Mais de nouveaux témoignages affluent. La Pologne commence à peine à prendre conscience du caractère systémique du problème de la pédophilie au sein de l’Eglise. Les cas recensés sont de plus en plus nombreux, mais jusqu’à présent ils ont rarement un écho médiatique important.
Le président de la fondation polonaise de victimes de prêtres pédophiles N’ayez pas peur, Marek Lisinski, a été reçu, le 20 février, par le pape François. Ce dernier, lors d’une scène poignante, s’est longuement incliné en lui baisant la main. M. Lisinski et la députée libérale polonaise Joanna Scheuring-Wielgus ont remis au pape un rapport contenant les noms de vingt-quatre hiérarques polonais qui auraient couvert des prêtres pédophiles. Le rapport a été rendu public jeudi soir. Il pourrait provoquer un électrochoc en Pologne.