Le Mouvement 5 étoiles en chute libre en Sardaigne
Le Mouvement 5 étoiles en chute libre en Sardaigne
Par Jérôme Gautheret (Rome, correspondant)
Après neuf mois au pouvoir, le parti antisystème a progressivement perdu pied face à la Ligue de Matteo Salvini.
Luigi di Maio, le chef du M5S, présente le revenu de citoyenneté, à Rome, le 22 janvier. Même cette mesure phare n’aura pas convaincu l’électorat de Sardaigne. / VINCENZO PINTO / AFP
Annoncée depuis des semaines, la défaite des 5 étoiles dans l’élection régionale de Sardaigne est tout sauf une surprise. Dans les derniers jours de la campagne, la direction du Mouvement a même décidé d’annuler la plupart de ses rassemblements, afin de minimiser la portée de ce recul, et le candidat à la présidence qu’il s’est choisi, Francesco Desogus, a semblé s’évanouir dans la nature.
Mais le signal envoyé par les électeurs sardes dimanche 24 février est si net que ces manœuvres de dernière minute n’auront sans doute servi à rien. Avec 14 à 18 % des voix, selon les sondages de sortie des urnes, le mouvement connaît une décrue d’une soudaineté inédite. Bien sûr il est toujours périlleux de comparer une élection nationale et un scrutin local, mais tout de même, passer en moins d’un an de plus de quatre électeurs sur dix à environ un sur six…
Soudain muets
Le scénario redouté depuis des semaines par la direction du 5 étoiles a bel et bien pris forme : après neuf mois d’exercice du pouvoir qui l’ont vu progressivement perdre pied face à la Ligue de Matteo Salvini (extrême droite), la formation antisystème commence à payer le prix de son impréparation et de ses renoncements successifs notamment en matière d’environnement ou de moralisation de la vie politique. Même la perspective de la mise en place au printemps de sa mesure phare, le revenu de citoyenneté, n’aura pas stoppé l’hémorragie.
Lundi matin, alors que commençait laborieusement le dépouillement, le chef politique du M5S, Luigi Di Maio, n’avait pas fait encore de commentaire, et les habituels ténors du mouvement étaient soudain muets sur les réseaux sociaux, comme sonnés par l’ampleur de la défaite.
Ce résultat, deux semaines après une élection calamiteuse dans les Abruzzes, où le mouvement avait perdu près de 200 000 voix, recueillant 20 % des suffrages, contre 48 % à la coalition de droite et 31 % à celle de gauche, pourrait-il faire tanguer le gouvernement ? C’était la crainte qui régnait au sommet de la formation ces derniers jours.
L’autre enseignement majeur émergeant au sortir de ce scrutin, qui s’est déroulé avec une participation relativement importante (plus de 56 % de votants, soit deux points de plus qu’an 2014), est le retour à une configuration plus classique que celle qui prévalait en Italie ces dernières années : en effet, le grand vainqueur de l’élection de dimanche semble bien être le clivage gauche-droite.
Dans cet affrontement, les listes de droite disposent d’un avantage important. Elles recueilleraient, selon les sondages de sortie des urnes, plus de 40 % des suffrages, avec une bonne douzaine de points d’avance sur celles de gauche. Au sein de la droite, la liste de la Ligue, estimée entre 12 et 15 %, ne semble pas être si dominatrice qu’annoncé. Mais il est vrai que son chef de liste, Christian Solinas, venu du Parti d’action sarde, n’avait pas franchement le profil d’un légiste de stricte obédience, et que sur l’île, l’ensemble des listes de droite s’étaient clairement rangées sous le patronage du dirigeant de la Ligue, Matteo Salvini.
Energies locales
A gauche, le bon résultat de la coalition tient à deux facteurs : le dynamisme des « listes civiques », apolitiques, et la personne du candidat présenté pour la présidence, le maire de Cagliari, Massimo Zedda. Peu lié au PD, celui-ci a mené une campagne centrée sur les énergies locales, n’invitant aucune des figures nationales de la gauche, à l’inverse de la stratégie suivie par la droite, qui s’est avant tout appuyée sur la personne de Matteo Salvini.
Cette singularité est encore plus nette en ce qui concerne le choix du futur gouverneur de l’île : selon les sondages de sortie des urnes, Massimo Zedda talonne en effet son rival de droite Christian Solinas, avec moins de deux points de retard. Or, dans le système électoral particulier de la région sarde, le choix du président prime sur les listes, et le candidat arrivé en tête apporte à son camp une importante prime majoritaire. Aussi lundi matin, tandis que les premiers résultats se faisaient attendre, l’ensemble de la gauche sarde s’est-elle prise, malgré le retard de ses listes, à rêver à une surprise retentissante.