« Wardi » : dans le camp palestinien animé
« Wardi » : dans le camp palestinien animé
Par Clarisse Fabre
Dans ce film de marionnettes, de Mats Grorud, une jeune réfugiée plonge dans l’histoire de sa famille qui vit depuis trois générations à Beyrouth.
On imagine avec quel soin artisanal les marionnettes de Wardi, film d’animation de Mats Grorud, ont été élaborées dans le studio français Foliascope : les rides des personnes âgées creusées, les yeux étonnés des jeunes ciselés (en bille de verre), les tenues en tissu confectionnées, les baraques du camp fabriquées… Avant même de raconter l’histoire de Wardi, jeune réfugiée palestinienne qui vit dans le camp beyrouthin de Bourj El-Barajneh, il faut souligner l’émotion visuelle que procure le film, entre esthétique naïve et rigueur documentaire.
Si le réalisateur norvégien signe une fiction, il s’est largement inspiré du quotidien des habitants. Sa mère était infirmière dans des camps de réfugiés au Liban, dans les années 1980. Plus tard, lorsque Mats Grorud est devenu étudiant à l’université américaine de Beyrouth, il a donné des cours d’anglais et d’animation, travaillé dans une école du camp de Bourj El-Barajneh, etc. Ce film, engagé, entremêle témoignages et récits de vie recueillis tout au long de ces expériences.
Deux espaces-temps
A travers le regard d’une jeune fille, cet ovni jeune public (à partir de dix ou onze ans) plonge dans l’histoire de la famille de Wardi : celle-ci a été chassée de son village en 1948, au moment de la création de l’Etat d’Israël. Depuis lors, elle est installée dans le camp. A chaque nouvelle génération, on a rajouté un étage aux baraques de fortune. Dans ce délabrement urbain, à onze ans, Wardi réalise que son arrière-grand-père adoré, Sidi, a perdu la joie de vivre. Le vieil homme a compris qu’il ne reverra jamais sa maison, dont il confie la clé à Wardi. Malade, il préfère renoncer à ses soins et utiliser l’argent pour payer les études de son arrière-petite-fille. Celle-ci cherche à lui rendre un peu d’espoir.
« Fouille la maison ! En espoir, on s’y connaît », lui suggère avec humour sa grand-mère. C’est ainsi que Wardi se met à discuter avec son grand-père, son grand-oncle, sa tante, etc., pour comprendre d’où elle vient, elle et les siens. Le grand-père, quand il était jeune, a fait partie de groupes de résistants armés. Il a tenté de retrouver sa maison mais il a échoué… Le film bascule dans deux espaces-temps : les personnages du passé sont dessinés, ceux du présent restent des marionnettes. L’histoire est rude, certes, mais visuellement, Wardi est nettement moins agressif qu’un blockbuster avec ses monstres destructeurs. L’héroïne porte en elle toute la poésie, la curiosité et les promesses de l’enfance.
Film d’animation français, norvégien et suédois de Mats Grorud (1 h 20). Sur le Web : www.jour2fete.com/distribution/wardi