Solène Ndama lors des championnats d’Europe de Berlin en août 2018. / KMSP/FFA

A 20 ans, Solène Ndama est la nouvelle sensation de l’athlétisme français, sans même être montée sur son premier podium international chez les seniors. Elle en est presque la première surprise : « Ça me fait drôle quand je vois des petits ou des petites qui sont hyper contents de me voir. Je n’ai pas l’impression d’avoir réalisé un truc énorme, je n’ai pas encore fait de médaille… »

Toute l’ambition de la Bordelaise réside dans ce « pas encore ». A Glasgow ce week-end, lors des championnats d’Europe en salle, la jeune athlète sera, déjà, grâce au pentathlon (elle s’alignera également sur 60 m haies), l’une des meilleures chances françaises en compagnie de Pascal Martinot-Lagarde sur 60 m haies ou encore de la spécialiste de la longueur Eloyse Lesueur.

La championne d’Europe junior en 2017 doit sa notoriété grandissante à deux progressions fulgurantes. D’abord l’été dernier, lors des championnats d’Europe à Berlin, où celle, qui n’était jamais descendue sous les 13 secondes, a pulvérisé par deux fois son record personnel sur 100 m haies : 12 s 88 en séries et 12 s 77 en demi-finale. En finale, elle trébuche sur la 7e haie, mais la disqualification ne gâche pas son magnifique parcours.

Championnats Européens / Athlétisme : Ndama impressionne encore !
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Récemment, cette spécialiste des épreuves combinées s’est illustrée lors des championnats de France en salle à Miramas, échouant tout près du record de France du pentathlon détenu par sa compatriote Antoinette Nana-Djimou, quadruple championne d’Europe (4 672 points contre 4 723). Ce total lui confère avant Glasgow le rang de meilleure performeuse mondiale de l’année. « Je ne connaissais pas la marque du record senior. Je m’étais plus focalisée sur le record espoir (qu’elle a battu). J’ai été étonnée de m’en approcher autant », confie-t-elle.

Son entraîneur Laurent Moreschi, à ses côtés depuis ses 15 ans, est plus surpris par la rapidité des progrès de sa protégée que par le niveau déjà atteint. « A Berlin ou à Miramas, ce sont des perfs dont on sentait qu’elle avait le potentiel. Mais c’est vrai que c’est arrivé plus vite qu’on ne l’escomptait. Il est toujours compliqué d’anticiper ce genre de chose. Ça se passe rarement comme prévu, lâche-t-il. Son pentathlon [60 m haies, saut en hauteur, lancer du poids, saut en longueur, 800 m] est encore très perfectible, car elle peut aller bien plus haut au saut en hauteur… »

Le choix d’une éventuelle spécialisation n’est pas encore à l’ordre du jour. L’idée est de mener de front les haies et les épreuves combinées. « On ne veut se fermer aucune porte. Elle est jeune, elle progresse, pourquoi la spécialiser ? », lâche Laurent Moreschi.

Miramas 2019 : Pentathlon (Solène Ndama avec 4672 pts)
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En plein air, pour émerger parmi les meilleures de l’heptathlon (les cinq épreuves du pentathlon + le 200 m et le lancer du javelot), Solène Ndama doit encore corriger sa grande faiblesse, le javelot. Son record, 33 m 88, est rédhibitoire pour l’instant, avec un déficit de 20 mètres sur ses rivales. Depuis le mois d’octobre dernier, elle se perfectionne avec un ancien poids lourd de la discipline, Raymond Hecht, ancien recordman d’Allemagne avec un jet à 92 m 60.

Seule à Bordeaux à l’âge de 15 ans

« Mon entraînement est devenu sérieux seulement depuis quelques mois. Avant, je lançais le javelot seulement deux à trois mois avant les championnats de France. Raymond, qui est le 7e meilleur performeur de tous les temps, voit déjà beaucoup de progrès, raconte-t-elle. J’ai aussi vu un kiné qui m’a aidée à corriger le manque d’amplitude de mon épaule. Ça va beaucoup mieux. J’arrive à comprendre le geste qui nécessite de la patience et de la tonicité. »

Travailleuse et déterminée, Solène Ndama a très tôt affiché un fort tempérament. A l’âge de 15 ans, elle perd sa mère et décide de rester seule sur Bordeaux lorsque son père déménage en Outre-mer pour des raisons professionnelles. L’adolescente traverse quelques années difficiles malgré son engagement dans sa carrière naissante d’athlète.

« Je ne me voyais pas partir alors que j’avais perdu ma mère trois ans auparavant. J’avais encore mes grands-parents maternels à La Rochelle et je savais que mon père allait rentrer une fois par an, se souvient-elle. Ça a été compliqué avec les personnes chez qui je vivais. Puis j’ai habité seule. Je n’ai pas toujours eu de quoi finir correctement le mois, même si je n’étais pas à la rue, loin de là. J’ai préféré faire mon bout de chemin seule et j’ai bien fait. Ça a été un mal pour un bien. »

Devenu son entraîneur six mois après le choix fort de la jeune femme, Laurent Moreschi l’a accompagné durant ces tourments. Il décrit une « relation fusionnelle » avec « des supers hauts et des supers bas » : « J’ai un peu eu le rôle de papa pendant longtemps. » Le duo atypique fonctionne pour le moment parfaitement.

Un équilibre toujours délicat à entretenir entre l’entraîneur et l’entraîné(e), comme l’explique au journal Sud-Ouest Bertrand Valcin, entraîneur du recordman du monde du décathlon, le Français Kevin Mayer : « Ils sont tous les deux très fusionnels. Je l’ai connu aussi avec d’autres athlètes. Il faut toujours faire attention à ce côté très proche où des fois on peut manquer d’un peu de recul. Mais j’ai l’impression qu’ils savent prendre les bonnes décisions, se dire les choses. »

Glasgow ne sera pas cette année la seule chance de titre européen de Solène Ndama. En juillet, elle a ciblé les championnats d’Europe espoirs en Suède, son premier objectif estival, bien que les Mondiaux de Doha (du 27 septembre au 6 octobre) soient aussi dans « un coin de sa tête » : « J’ai toujours regardé les grands championnats, les Mondiaux et les JO. Ça me donne des frissons, j’aime la gagne, cette ambiance de compétition. »