Simulation d’attaque terroriste au Palais des sports de Ouagadougou, au Burkina Faso, le 27 février 2019, dans le cadre de l’exercice Flintlock. / Sophie Douce

Il est 9 h 53, ce mercredi 27 février, au Palais des sports du quartier huppé de Ouaga 2000, dans la capitale du Burkina Faso. Un premier coup de feu retentit, suivi de rafales de tirs. Un groupe de « djihadistes » enturbannés et armés de fusils d’assaut AK47 vient de faire irruption dans la cour du bâtiment et vise des civils. A 10 heures, une vingtaine de gendarmes burkinabés de l’Unité spéciale d’intervention arrivent sur les lieux pour riposter. « Mission réussie », lâche finalement un commandant d’escadron, visage masqué et gilet pare-balles sur le dos : « Nous avons pu neutraliser neuf assaillants et libérer les otages. »

Ce matin-là, il ne s’agit que d’un exercice, avec cartouches à blanc et officiers jouant le rôle des terroristes. Pourtant, la mise en scène se veut ultraréaliste. « Welcome at Flintlock 2019 ! », lance un colonel de l’US Army. Du 18 février au 1er mars, plus de 2 000 militaires de 31 pays africains et occidentaux se sont entraînés, sous la houlette des forces spéciales américaines, au Burkina et en Mauritanie. Simulation d’opérations antiterroristes, évacuations d’otages, combats rapprochés, formation au secourisme… Flintlock est un grand exercice annuel organisé par le Commandement des opérations spéciales américaines en Afrique (SOCAfrica) depuis 2005. Son objectif : renforcer les capacités opérationnelles des armées africaines pour lutter contre le terrorisme et l’extrémisme violent sur le continent.

« Le renseignement est crucial »

« J’ai appris comment planifier des opérations, harmoniser notre manière de travailler entre forces étrangères ou porter les premiers secours. Nous avons perdu deux hommes en mission récemment, faute de soins. Ce sont des outils que nous pourrons réutiliser au combat », se réjouit un lieutenant burkinabé avant de rentrer au camp militaire de Loumbila, l’une des quatre bases de Flintlock au Burkina. Au poste de commandement, installé sous une tente dans la chaleur moite, une dizaine d’officiers surveillent les missions en cours sur leur ordinateur. C’est ici, à 20 km de la capitale, que l’opération de la matinée a été dirigée.

« Nous essayons de leur enseigner à quel point le renseignement est crucial pour la conduite d’opérations et partageons avec eux différentes techniques qui ont fait leurs preuves en Irak et en Afghanistan », explique un formateur américain. A ses côtés, à la « cellule renseignement », une recrue se familiarise avec un logiciel de communication de l’armée américaine. « Je n’avais jamais utilisé ce système avant, c’est pratique, ça permet d’échanger plus rapidement avec les unités. D’habitude on utilise plutôt le téléphone et la radio », glisse-t-il en faisant défiler une fenêtre de discussion sur son écran.

Pour certains, Flintlock est aussi l’occasion de nouer des liens avec les voisins. « Nous avons créé un groupe WhatsApp pour nous entraider, confie un chef de bataillon sénégalais. Par exemple, après l’attentat du 2 mars 2018 [contre l’état-major de l’armée burkinabée et l’ambassade de France à Ouagadougou], nos collègues burkinabés nous ont expliqué comment ils ont mené la riposte. Cela nous permet d’affiner nos modes d’action. »

Hasard du calendrier, cet exercice multilatéral « adapté aux menaces réelles de l’espace sahélo-saharien » se tenait cette année au Burkina, alors même que le pays fait face à une multiplication inédite des attaques sur son territoire. Quelque 1,2 million de personnes ont besoin « urgemment » d’une assistance humanitaire « du fait de la persistante de l’insécurité dans les régions du Centre-Nord, de l’Est et du Nord », alerte le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU.

Envoi de conseillers et de matériel

Au quartier général de Flintlock, situé au camp Bila-Zagré, à Ouagadougou, l’inquiétude plane au sein des forces armées de la sous-région. « La situation est grave ici. Je crains que l’insécurité, notamment dans la région de l’Est frontalière de notre pays, ne nous contamine, indique un officier ghanéen. Des réfugiés arrivent déjà chez nous, il y a urgence. » « Quand tu vois la case de ton voisin qui brûle, tu ne peux pas dormir en paix, ajoute le capitaine Amadou Koundi, des forces spéciales nigériennes. Il faut que nous travaillions ensemble et que nous soyons solidaires pour faire face à la menace terroriste de plus en plus diffuse dans la région. »

Manque d’effectifs et de matériels, appareil sécuritaire déstructuré… Les forces de l’ordre burkinabées peinent à contenir l’avancée des groupes armés. « Nous n’étions pas préparés, les frontières sont poreuses et nos moyens insuffisants, nous avons besoin de plus d’équipements adaptés et de renforcer nos dispositifs de renseignement », souligne le lieutenant-colonel Kanou Coulibaly, commandant d’escadron de la gendarmerie burkinabée. « La dégradation de la sécurité au Burkina est préoccupante, affirme le major-général J. Marcus Hicks, commandant du SOCAfrica. Nous examinons en ce moment les recours possibles pour soutenir davantage l’armée locale. »

Selon les informations du Monde Afrique, le SOCAfrica pourrait demander un renfort de conseillers militaires et l’envoi de matériels de surveillance dans le pays. Moins d’une dizaine de membres des forces spéciales américaines y sont pour le moment déployés de manière permanente. Sur les 60 millions de dollars (environ 53 millions d’euros) de contributions annoncées par les Etats-Unis au G5 Sahel (qui regroupe la Mauritanie, le Mali, le Burkina, le Niger et le Tchad), la moitié devrait être reversée au Burkina Faso, où des équipements américains ont déjà été envoyés.