Pyongyang soupçonné de reconstruire un site de lancement de fusée
Pyongyang soupçonné de reconstruire un site de lancement de fusée
Par Philippe Mesmer (Tokyo, correspondance)
Les travaux ont été observés deux jours après l’échec du sommet de Hanoï entre Donald Trump et Kim Jong-un.
Vue satellite du site de Tongchang-ri, en Corée du Nord, le 2 mars. / AP
La Corée du Nord pourrait être en train de reconstruire le site de lancement de satellites et de tests de ses propulseurs de missiles intercontinentaux de Tongchang-ri, avancent des analystes militaires américains et les services de renseignement sud-coréens. Ces révélations alimentent les spéculations sur les suites du sommet infructueux entre le président Donald Trump et le dirigeant Kim Jong-un les 27 et 28 février à Hanoï.
« Je serais très déçu si cela arrivait », a réagi mercredi 6 mars M. Trump. « Nous allons voir. Ce problème sera au final résolu. » La veille, le conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche, John Bolton, a brandi sur Fox News la menace de nouvelles sanctions si Pyongyang continuait de refuser de dénucléariser.
Le même jour, le site spécialisé sur les questions nord-coréennes 38 North et le centre d’analyse américain Center for Strategic and International Studies (CSIS) révélaient les travaux à Tongchang-ri. S’appuyant sur des images satellites, le CSIS expliquait que, le 2 mars, deux jours seulement après le sommet de Hanoï, la Corée du Nord procédait à la « reconstruction rapide du site de fusées de Sohae ».
Eau légère
Une partie du complexe avait été démantelée au cours de l’été 2018, conformément à un engagement pris par M. Kim lors de son premier sommet, en juin, à Singapour, avec Donald Trump. Il avait réitéré cette promesse lors du sommet de septembre avec le président sud-coréen, Moon Jae-in.
Cette fois, le CSIS signale des travaux au niveau du site d’essai des propulseurs et de la structure où sont assemblés, sur des rails, les lanceurs. Des informations corroborées par les renseignements sud-coréens.
Yukiya Amano, directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), avait, de son côté, déclaré le 4 mars que la Corée du Nord utilisait toujours l’installation d’enrichissement d’uranium aménagée dans le complexe nucléaire de Yongbyon, élément-clé du programme nucléaire nord-coréen et enjeu majeur des négociations avec les Etats-Unis. Toujours selon l’AIEA, le réacteur de 5 mégawatts modéré au graphite du complexe semble arrêté depuis décembre, mais les travaux d’un réacteur à eau légère se poursuivraient.
« Etat de choc »
Ces révélations risquent de compliquer un peu plus les négociations. Américains et Sud-Coréens ont pourtant réduit le format de leurs manœuvres militaires lancées le 4 mars pour complaire à Pyongyang.
Officiellement, Washington et Pyongyang restent attachés au dialogue. Le secrétaire d’Etat, Mike Pompeo, a exprimé l’espoir d’envoyer une délégation en Corée du Nord « dans les prochaines semaines ».
Le représentant spécial sud-coréen pour la paix dans la péninsule, Lee Do-hoon, s’est entretenu le 6 mars à Washington avec son homologue américain, Stephen Biegun, et le Japonais Kenji Kanasugi, en vue d’une meilleure coordination pour les discussions futures, les Américains souhaitant que Séoul s’investisse davantage dans son rôle de médiateur.
Un rôle qui s’annonce complexe car, à Hanoï, le rapport de force entre Américains et Nord-Coréens semble avoir évolué en faveur des premiers. « L’échec du sommet doit avoir laissé Kim Jong-un et ses conseillers en état de choc », estime Cheong Seong-chang, de l’Institut Sejong.
A Hanoï, Kim Jong-un est apparu comme très désireux d’obtenir un allégement des sanctions, afin de procéder à la relance promise de l’économie nord-coréenne. Il serait aujourd’hui contraint de revoir sa stratégie. Les travaux en cours pourraient signaler qu’il peut reprendre ses programmes d’armement à tout moment. Dans un discours du Nouvel An, il avait averti que la Corée du Nord trouverait un « nouveau moyen » si les Etats-Unis maintenaient les sanctions.