Fair-play financier : le PSG obtient gain de cause devant le TAS
Fair-play financier : le PSG obtient gain de cause devant le TAS
Par Rémi Dupré
Le Tribunal arbitral du sport a confirmé la décision de l’UEFA de classer l’enquête visant le PSG. Les ennuis financiers du club parisien ne sont pas pour autant terminés.
Les recrutements de Neymar et Kylian Mbappé ont placé le Paris-Saint-Germain sous la menace du fair-play financier. / Michel Euler / AP
Cette fin de saison n’aura pas été totalement noire pour les dirigeants du Paris-Saint-Germain. Deux semaines après l’impensable défaite (3-1) et élimination de leur équipe par Manchester United, en huitièmes de finale retour de Ligue des champions, ils ont remporté une victoire juridique et politique notable . Mardi 19 mars, le Tribunal arbitral du sport (TAS) de Lausanne a validé l’appel du club de la capitale dans le cadre de la procédure le visant pour infraction au fair-play financier (FPF) – mécanisme introduit en 2010 par l’Union des associations européennes de football (UEFA) et en vertu duquel les clubs ne doivent pas dépenser plus qu’ils ne gagnent. Cette décision met provisoirement un terme au bras de fer aux allures d’imbroglio qui oppose le club parisien à l’UEFA.
Cette validation soulage le club de la capitale en ce qu’elle confirme la décision de la chambre d’instruction de l’Instance de contrôle financier des clubs (ICFC), en juin 2018, de ne pas poursuivre le PSG. L’enquête avait été ouverte en septembre 2017 après les recrutements de ses stars Neymar et Kylian Mbappé pour un total de 400 millions d’euros.
La chambre de jugement de l’ICFC avait toutefois contesté le classement du dossier et l’avait renvoyé devant la chambre d’instruction, priée d’examiner de manière plus « approfondie » les contrats de sponsoring qataris du PSG. Les garants du fair-play financier estiment qu’ils sont surévalués.
En octobre 2018, le PSG avait saisi le TAS afin de remettre en cause ce renvoi. La nouvelle enquête de la chambre d’instruction de l’ICFC était depuis gelée.
Le panel du TAS justifie sa décision par le fait qu’il doit s’écouler dix jours au plus entre la décision de la chambre d’instruction de l’ICFC et le réexamen par la chambre de jugement. « La décision attaquée, ayant été rendue après ce délai, était manifestement en retard et devait être annulée », explique le TAS. Le club turc de Galatasaray avait obtenu une décision favorable pour les mêmes raisons il y a un mois, ce qui avait donné bon espoir aux dirigeants parisiens.
Le sponsoring qatari évalué à 52 millions d’euros
Mais le jugement du TAS ne lève pas toutes les menaces pesant sur le Paris-Saint-Germain, qui doit à tout prix accroître ses revenus de sponsoring : il doit en effet supporter la charge que constituent les salaires de Neymar et Mbappé, et compenser la dévaluation de ses revenus par l’ICFC.
Dès cette année, selon une source proche de l’ICFC, l’ensemble des sponsors qataris du club sont évalués à 52 millions d’euros – alors que le PSG a signé un accord à 145 millions avec l’Autorité du tourisme du Qatar. Ledit partenariat expire en juin 2019 et ne sera pas renouvelé, comme en a décidé la chambre d’instruction de l’ICFC.
En 2020, ajoute cette source, le PSG ne pourra enregistrer aucun revenu d’un sponsor considéré comme une partie liée, c’est-à-dire une entreprise liée à l’Etat qatari, propriétaire du club à travers son fonds souverain Qatar Sports Investments (QSI).
En outre, s’il ne réalise pas de ventes importantes cet été, le club parisien devra générer 150 millions d’euros annuels pour être à l’équilibre. Et ce alors qu’il doit faire une croix sur la somme de 10,5 millions d’euros, prévue par l’UEFA en cas de qualification pour les quarts de Ligue des champions, et sur des recettes supplémentaire en termes de billetterie.
Compte tenu de ces dévaluations, le déficit prévisionnel du PSG était estimé à 124 millions d’euros pour la saison 2017-2018, alors que le déficit maximal autorisé pour respecter le FPF est de 30 millions d’euros sur trois saisons.
Nouveaux partenariats
L’officialisation du juteux partenariat d’image (évalué à 50 millions d’euros annuels) avec Accor, le 21 février, représente toutefois une bouffée d’oxygène pour le club. Nouveau sponsor maillot du PSG pour « trois ans avec une option pour trois ans supplémentaires », dirigé par Sébastien Bazin, ex-homme fort et président du club parisien lorsqu’il était la propriété du fonds américain Colony Capital (2006-2011), le groupe hôtelier prend la suite de la compagnie aérienne Emirates, dont le contrat arrive à échéance en juin et qui versait un montant deux fois moins important.
Elément notable, l’émirat gazier est actionnaire à hauteur de 10,44 % du capital d’Accor. Ce mélange des genres ne constitue pas un problème en soi pour les experts du FPF. « Le Qatar a beaucoup de participations, notamment dans groupe Volkswagen », observe une source proche de l’enquête de l’Instance de contrôle financier des clubs (ICFC). A noter que Nicolas Sarkozy, qui a aidé M. Bazin à vendre le PSG à QSI en 2011, siège au conseil d’administration d’Accor depuis 2017.
« Raisons politiques »
La décision du TAS porte un coup au système du FPF, dont une nouvelle version a été entérinée par l’UEFA en mai 2018. Elle intervient alors que les « FootballLeaks » ont mis au jour la forme de complaisance dont a bénéficié le PSG de la part des anciens dirigeants de l’UEFA, en 2014 et 2015.
En mai 2014, le club avait été sanctionné dans le cadre du FPF à l’issue de longues négociations, et en juillet 2015, l’ICFC avait levé lesdites sanctions.
Selon les « FootballLeaks », les dirigeants du PSG ont, en mai 2018, directement discuté avec ceux de l’UEFA, dont son responsable du fair-play financier, Andrea Traverso. La délégation de l’UEFA aurait alors indiqué au PSG que l’enquête allait être classée sans suite « pour des raisons politiques ».
Un accord à l’amiable secret a été proposé par les dirigeants de la Confédération européenne. Mais la chambre d’instruction de l’ICFC a refusé cet accord et dévalué les sponsors qataris, poussant le PSG à vendre plusieurs joueurs (Javier Pastore, Yuri Berchiche) pour engranger 60 millions d’euros.
Ceferin « a de quoi être soulagé »
nterrogé par Le Monde juste avant sa réélection pour un deuxième mandat le 7 février, le président de l’UEFA, Aleksander Ceferin, a tenu à défendre l’indépendance des deux chambres de l’ICFC. « L’organe de contrôle financier peut sceller un accord de règlement avec un club. Mais ni moi, ni le secrétaire général, ni personne de l’administration ne pouvons intervenir dans ces accords. L’organe de contrôle est indépendant et prend sa décision », insistait le dirigeant slovène.
« Tous les clubs sont traités de la même manière. Je n’ai aucun problème à mettre n’importe qui à la porte [le barème de sanctions prévoit une exclusion des compétitions]. Je ne subis aucune pression, ajoutait le patron du football européen. Et si quelqu’un pense que le FPF est contre le PSG, cela ne me dérange pas. Mais le club doit se plier aux règles, comme tout le monde. »
Selon une source proche de l’ICFC, Aleksander Ceferin a de quoi « être soulagé par la décision du TAS. Malgré la défaite, en apparence, de l’UEFA ». Si le TAS avait tranché différemment, la chambre d’instruction de l’ICFC aurait sans doute été poussée à sanctionner le PSG. Lequel aurait alors été tenté d’attaquer juridiquement l’UEFA après avoir « exécuté », en juin 2018, la décision de la chambre d’instruction.