Julien Absalon a remporté la dernière manche de Coupe du monde avant les Jeux, ici à Mont-Saint-Anne, au Québec. | Jacques Boissinot / AP

Pour le cycliste du dimanche, le VTT est synonyme de longues montées raides à vous couper le souffle, de descentes techniques entre racines et pierres, à l’ombre d’une forêt. Pour Julien Absalon, qui visera dimanche 21 août un troisième titre olympique dans la discipline, le VTT est un autre sport. Il se dispute dans un théâtre à ciel ouvert, sans l’ombre d’une ombre, sur un parcours construit à la pelleteuse.

C’est un autre sport. Yvon Vauchez, entraîneur national (quatre médailles d’or, une d’argent et une de bronze en cinq Jeux olympiques), appelle ça « le nouveau VTT ». Un sport « devenu artificiel », alors que le surnom de la discipline est le « vélo vert », le vélo nature.

« C’est clairement un autre type de VTT, explique Yvon Vauchez. Un assemblage de zones roulantes et de zones techniques, composées de différents matériaux. Il y a beaucoup, beaucoup de rochers artificiels, des franchissements, des sauts sur des dalles, des descentes sur des rondins. »

Chez les femmes, Ferrand-Prévot dans l’inconnu

Championne du monde de VTT en 2015, Pauline Ferrand-Prévot ne sait pas si elle aura rattrapé pour la course de samedi (17h30, heure française) le retard de forme qu’elle a traîné toute la saison. « Je me suis posé beaucoup de questions (après sa course sur route, terminée à la 26è place). Après, je me suis dit que je ne pouvais pas abandonner à quelques jours de l’échéance alors que, depuis le début de l’année, ça a été vraiment galère. Là, je suis plus motivée que jamais ».

La favorite sera la Suissesse Jolanda Neff (23 ans), déjà huitième de la course sur route au début des JO. Elle a cependant une fâcheuse tendance à se rater lors des grands rendez-vous, ce dont pourrait profiter l’expérimentée Danoise Annika Langvad, championne du monde en juillet.

« C’est comme un parc d’attractions »

Maxime Marotte, deuxième de l’épreuve test de Rio l’an dernier derrière le grand favori de dimanche, Nino Schurter, en a pris son parti. Du haut de ses 30 ans, cet excellent pilote a commencé sa carrière avec un sport et finit dans un autre. « Je m’amuse, parce que c’est comme un parc d’attractions. Ce n’est pas naturel mais c’est très fun pour les pilotes et pour le public. Le revers de la médaille, c’est que ce n’est pas représentatif du VTT que tout le monde va retrouver chez soi et que ça demande des aménagements au bulldozer. »

L’Union cycliste internationale n’a pas vraiment eu le choix. C’était le virage ou la porte. Après les JO de Pékin, la présence du VTT au programme olympique – il y est entré en 1996 – était remise en cause. L’épreuve avait été la plus onéreuse en production télévisuelle – plus de quarante caméras –, n’était pas pratique à suivre ni pour le public ni à la télévision – beaucoup de passages en forêt – et jugée pas suffisamment spectaculaire.

Le parcours de VTT des JO de Rio, tracé à Deodoro. | CARL DE SOUZA / AFP

Quatre ans plus tard, à Londres, toute la course pouvait être filmée d’hélicoptère, la vitesse moyenne avait augmenté (de 18 ou 19 kilomètres/heure à 24 ou 25), le temps de course était raccourci. Lors de sa première victoire à Athènes, Julien Absalon avait bouclé l’épreuve en deux heures et quart. A Londres, le Tchèque Jaroslav Kulhavy – l’autre favori de dimanche – et la Française Julie Bresset se sont imposés en une heure et demie, devenue la durée de référence (le nombre de tours est déterminé en fonction, la veille de l’épreuve).

Les épreuves de Coupe du monde se sont adaptées elles aussi et, désormais, la plupart des parcours sont construits sur ce modèle. Ils sont « dessinés en trèfle », explique Maxime Marotte, ce qui permet aux spectateurs de voir passer les coureurs plusieurs fois sur chaque tour. Ils sont aussi plus courts : celui de Rio est long de 4,8 kilomètres contre 10,6 kilomètres à Atlanta.

« Le type d’effort a changé »

« Les premiers circuits étaient vraiment basiques, sans construction ou presque », explique le Sud-Africain Nick Floros, qui a dessiné le parcours carioca. « Puis Londres a établi la norme, avec un circuit très favorable aux spectateurs, et les coureurs l’ont adoré. La beauté de celui de Rio, c’est que les spectateurs, en se plaçant sur le point le plus haut, peuvent voir 85 à 90 % du parcours. » Que vous pouvez découvrir dans la vidéo ci-dessous si vous avez un quart d’heure à tuer.

Aquece Rio Mountain Bike - Full Lap
Durée : 14:08

Cette révolution n’a pas été sans conséquences sportives : Julien Absalon adorait cet exercice intense, plus de deux heures avec le cœur qui s’emballe et de longues montées où les plus forts se détachaient du peloton. Avant Londres, il s’est trouvé décontenancé.

« Le type d’effort a changé : il est plus explosif, plus typé techniquement, plus aérien », décrit Yvon Vauchez, là où l’ancien vététiste américain Tinker Juarez voit carrément dans ce nouveau VTT « une sorte de longue course de BMX ».

Absalon a dû se réinventer

Nino Schurter, actuel cador de la discipline, a pris l’avantage sur Julien Absalon en étant plus complet, plus performant dans les parties techniques. Le Français a dû se résoudre à réapprendre son sport, à la trentaine passée. « J’ai énormément travaillé techniquement. Ces sections artificielles qui me posaient problème il y a quelques années ne m’en posent plus grâce au travail effectué cet hiver », expliquait-il jeudi au village olympique.

De quoi susciter l’admiration d’Yvon Vauchez, pour qui « Absalon a des ressources qui lui sont propres, quelque chose qui le guide » :

« Julien épuisait ses adversaires physiquement au fur et à mesure de la course, et était doté d’une très bonne technique en milieu naturel. Il a su s’adapter. Et ce n’est pas rien quand on a dominé son sport pendant dix ans. »