Européennes : Hamon lance sa campagne en attaquant le flou de la liste de Glucksmann
Européennes : Hamon lance sa campagne en attaquant le flou de la liste de Glucksmann
Par Sylvia Zappi
L’ancien candidat à la présidentielle, à la peine dans les sondages, paraît isolé après la conclusion de l’accord entre Place publique et le PS.
Benoît Hamon, à Paris, le 19 février. / THOMAS SAMSON / AFP
Haro sur les diviseurs ! Benoît Hamon est parti en campagne, mardi 19 mars, en tentant de contrer la concurrence de Place publique (PP) alliée au Parti socialiste (PS). Il avait réservé la même salle – la Marbrerie à Montreuil (Seine-Saint-Denis) – où a été lancé le mouvement de l’essayiste Raphaël Glucksmann et ses amis, à la mi-novembre. Mais l’ambiance, devant quelque 250 personnes, n’y était pas.
La petite mise en scène dans laquelle l’ancien socialiste tentait d’organiser son « vrai débat national » face aux lobbies des multinationales, avait des airs de théâtre étudiant. Cinq chaises vides pour représenter les groupes BNP, Carrefour, Monsanto, Vinci, Total faisaient face à cinq militants représentant les « vraies gens », dont un « gilet jaune » ambulancier, pour dénoncer le poids de leurs lobbies sur les décisions de l’Union européenne. Passant tour à tour la parole à ses témoins, la tête de liste joue le monsieur Loyal en proclamant : « Les règlements sur les pesticides et les perturbateurs endocriniens, c’est eux ! Les dividendes multipliés par deux, c’est eux ! » Mais le cœur n’y est pas.
« Moi je sais où je siège »
L’ancien candidat du PS veut pourtant croire qu’il est encore dans la dynamique de la campagne présidentielle. Pour lui, l’objectif est de remobiliser ses 2,5 millions de voix obtenues en mai 2017 et la jeunesse qui s’abstient trop, explique-t-il avant l’ouverture des portes. Ajoutant qu’avec l’annonce de la candidature de Raphaël Glucksmann soutenue par le Parti socialiste, « le paysage s’est éclairci ». Il entend centrer son propos européen en faveur d’une « Europe libre », parce que « le socle des droits chancelle » : celui de l’avortement, de la presse, des demandeurs d’asile ou de l’expression des oppositions, détaille Hamon.
Alors que la gauche est devenue « invisible », lui entame sa campagne sans doute, car sa démarche est « claire », insiste-t-il. « La question, c’est l’honnêteté de la campagne, l’honnêteté de la démarche, sa sincérité. Moi je sais où je siège. Je sais qui je défends comme président de la commission européenne. PP et le PS, c’est open bar », ajoute-t-il, reprochant à M. Glücksmann de ne pas dire dans quel groupe où il siégera à Strasbourg.
Le reste, les petits aléas de ce début de campagne, Benoît Hamon semble les balayer d’un revers de la main. La défection de sa porte-parole, Aurore Lalucq ? Le ralliement de Pierre Laroutourrou, dirigeant de Nouvelle Donne avec qui il voulait faire alliance ? Un signe de plus de la « crise morale » dans laquelle se trouve la gauche, tacle le leader de Génération.s : « Les Eric Besson [membre du PS, il avait rejoint l’équipe de campagne du candidat UMP Nicolas Sarkozy au soir du premier tour de l’élection présidentielle de 2007] deviennent usuels à gauche, des gens sans honneur qui circulent au gré des opportunités offertes. » M. Hamon fait tout pour montrer qu’il n’a pas d’états d’âme même s’il confesse une peu de « déception ». Ses piques se concentrent pourtant à l’envi sur ses anciens amis.
Sa liste ne décolle guère
L’air bravache qu’affiche Benoit Hamon n’arrive pas à conjurer l’inquiétude qui gagne ses troupes devant les signes négatifs qui s’accumulent. Depuis le lancement de Place publique, Génération.s lorgnait sur cet ovni qui semble séduire une partie de la gauche modérée. Mais c’est Olivier Faure qui a conclu l’alliance que le premier secrétaire du PS croit prometteuse alors que beaucoup de ses anciens électeurs semblent se détacher d’un Emmanuel Macron trop droitier à leur goût.
En l’espace de quelques jours, Raphaël Glucksmann et Claire Nouvian ont donné un coup de jeune à un PS encalminé. Et accru l’isolement de la démarche de Benoit Hamon. Les sondages montrent que sa liste ne décolle guère, oscillant entre 2,5 % et 3 %. Comble de la poisse, il n’est – pour le moment – toujours pas invité au débat des européennes organisé par France 2 le 4 avril. « On n’a pas plus de schkoumoune que les autres », assure-t-il pourtant.
L’ancien ministre avait cru en sa bonne étoile depuis sa sortie du PS en juillet 2017. Il avait réussi à créer l’intérêt avec le lancement de son jeune mouvement, positionné à égale distance entre la social-démocratie et la gauche radicale. Il avait ensuite courtisé les animateurs de Place publique, conscient qu’ils lui disputaient le même espace électoral. Puis pensé prendre tout le monde de vitesse en proposant, début février, une votation citoyenne pour désigner la tête de liste aux européennes.
En vain. Il avait alors lancé sa liste, seul, pour garder la main. Mais il l’a perdue. Même le Parti communiste, que Benoit Hamon a courtisé en février en s’affichant avec Ian Brossat dans un café à Brest, décline poliment toute alliance. Envers et contre tout, Hamon assurait pourtant, mardi soir, que sa liste irait « au bout ». Ajoutant comme un défi : « La liste PP-PS explosera avant la mienne. »