Un nid de termites et une coupe, réalisée par tomographie. / CNRS

Zoologie. Vus à hauteur d’homme, les termites ne sont rien d’autre que des petits êtres nocifs : de médiocres fourmis blanches, tout juste bonnes à dévorer nos charpentes et à nourrir d’autres insectes. Mais qui s’est rendu un peu plus au Sud, sur le continent africain, et a admiré les cathédrales de 6 à 8 mètres érigées par certaines colonies pour y cultiver les champignons dont elles se nourrissent, abandonne immédiatement tout mépris. Il y a trois mois, la découverte, par une équipe britannique, d’un réseau de nids au centre du Brésil a encore imposé la modestie : 230 000 kilomètres carrés de surface – la taille de la Grande-Bretagne –, 10 kilomètres cubes de terre, soit l’équivalent de 4 000 pyramides de Gizeh, le tout visible par photo satellite. Respect.

L’étude que vient de publier une équipe franco-britannique dans la revue Science Advances laisse de nouveau admiratif devant les capacités de ces insectes sociaux. Elle porte non plus sur les immenses constructions de ces pionniers de l’agriculture mais sur les nids d’autres espèces. Des réalisations plus modestes (60 cm de haut quand même) mais tout aussi complexes. « Comme pour les nids géants, on connaissait leurs propriétés à grande échelle : échanges gazeux, et donc évacuation du CO2 ; régulation de la température ; drainage de l’eau de pluie. Mais on ignorait à peu près tout de la façon dont cela se passait, explique Guy Theraulaz, du Centre de recherche sur la cognition animale (CNRS, Toulouse). Désormais, on sait. »

Pour comprendre, les chercheurs ont collecté au Sénégal et en Guinée deux nids érigés par des colonies de Trinervitermes geminatus. Puis ils en ont réalisé la reconstruction virtuelle, en 3D et à multiples échelles, grâce à des tomographes, ces dispositifs capables d’opérer, sans les détruire, des « coupes » successives d’un objet. Les images ont mis en évidence, pour la première fois, dans le mur extérieur de 11 à 15 mm dur comme de la pierre, un réseau de deux types de pores. « A notre surprise, nous avons constaté que les plus gros formaient un réseau en surface et en profondeur, qui traverse cette paroi extérieure », précise le biologiste.

Trinervitermes geminatus. / C. JOST / CNRS

Ventilation, régulation thermique, résistance aux pluies

Ainsi s’opèrent la ventilation du nid, vitale à la respiration de ses habitants, mais aussi sa régulation thermique. Les fluctuations de 14 °C observées entre le jour et la nuit dans ces régions du globe sont ainsi largement gommées. Des écarts de températures allant jusqu’à 11 °C ont été enregistrés entre l’extérieur et l’intérieur de l’abri. L’équipe en a eu la confirmation grâce aux simulations numériques effectuées à l’Imperial College de Londres. « Elles ont montré que la structure à elle seule permettait d’expliquer les propriétés que nous observions à l’échelle macroscopique », poursuit le chercheur toulousain.

La troisième d’entre elles est la résistance aux pluies et aux inondations. C’est là qu’entre en scène la seconde série de pores, microscopiques ceux-là. La simulation a montré que sa principale fonction consistait à drainer l’eau hors du réseau principal afin que celui-ci puisse continuer à jouer son rôle.

Merveilleux hasard de la nature ? Pas du tout, affirme l’étude. Si les micropores proviennent des matériaux employés, principalement du quartz et de la kaolinite, le grand réseau est l’œuvre de ces bestioles de quelques millimètres. L’empilement spontané de boulettes par les chercheurs a lamentablement échoué à reproduire ce résultat. Rien d’étonnant, donc, à voir de plus en plus d’architectes tenter de s’inspirer des insectes pour construire des bâtiments bioclimatiques.

Les chercheurs toulousains sont plus modestes. Ils entendent désormais passer au même crible la collection de 120 modèles de nids qu’ils ont numérisée, convaincus de voir émerger d’autres surprises. Et analyser le mécanisme de fabrication de ces monuments. Après le secret des pyramides, celui de leur construction.