Apple se positionne en chevalier blanc du jeu vidéo mobile
Apple se positionne en chevalier blanc du jeu vidéo mobile
Par William Audureau
La marque à la pomme a annoncé Apple Arcade, une offre mettant en avant son travail éditorial dans l’univers du jeu sur smartphone, sans publicité ni collecte de données.
Tim Cook, le patron d’Apple, à la « keynote » (présentation) du 25 mars. / STEPHEN LAM / REUTERS
Il y a des enchaînements d’annonces qui donnent le tournis. Une semaine après la présentation par Google de Stadia, sa plate-forme de jeux vidéo à la demande, Apple a levé le voile lundi 25 mars sur Apple Arcade, son offre d’abonnement mensuel. Celle-ci permettra aux consommateurs de télécharger à volonté une sélection de jeux pour mobiles haut de gamme, dont certains exclusifs, sur les périphériques du célèbre constructeur. Elle sera déployée à l’automne dans plus de 150 pays, dont la France.
Le parallèle avec Google s’arrête là. Pour Apple, il ne s’agit pas de révolutionner le jeu vidéo en lançant une ambitieuse infrastructure de calcul en réseau capable de chambouler l’industrie et rendre obsolètes consoles et ordinateurs : les applications seront à télécharger localement sur les appareils compatibles Apple (iPhone, iPad, Apple TV…), comme l’utilisateur le fait déjà à l’unité. « Les deux compagnies redoublent d’effort dans le jeu vidéo, après des années à se concurrencer sur la distribution. Mais le concept, l’échelle et les objectifs de Stadia sont beaucoup plus ambitieux qu’Arcade, estime Serkan Toto, analyste pour Kantan Games. Si Stadia fonctionne, cela sera un grand changement pour l’industrie. Si Arcade marche, ce sera juste un nouveau service Apple. »
Les objectifs de la marque à la pomme sont en fait très différents de ceux de Google. L’un est affiché : donner une meilleure visibilité à ces jeux « premium » que la marque se vante déjà d’accueillir depuis des années, mais qui sont souvent écrasés par la concurrence de mastodontes gratuits, comme Clash of Clans, Clash Royale ou Candy Crush Saga. Le second est plus crucial : offrir de nouvelles sources de revenus à Apple, alors que les ventes d’iPhone ont été considérablement revues à la baisse pour l’année 2019. Le lancement d’Apple Arcade s’inscrit de ce point de vue dans une stratégie plus large de multiplication des offres de service (Apple Pay, Apple News, etc.).
La crème du jeu vidéo indépendant
La firme dirigée par Tim Cook n’a pas encore communiqué sur le prix de son abonnement mensuel. Mais elle ne cache pas ses ambitions en matière de qualité éditoriale. Apple, qui annonce héberger 300 000 jeux sur l’App Store, ne proposera qu’une sélection d’une centaine de jeux sur son service. L’annonce a été reçue avec enthousiasme par les professionnels. « Compléter l’offre de superproductions avec ce type de service, cela va faire des merveilles pour les indés et les studios moyens et permettre aux gens d’accéder à des jeux qu’ils auraient manqués sans ça », s’est félicité sur Twitter Neil Riveira, fondateur du studio Red Tooth Games.
Parmi les producteurs mis en avant, des noms prestigieux, comme Will Wright (les célèbres jeux de gestion SimCity et Les Sims), Hironobu Sakaguchi (la série épique des Final Fantasy), ustwo (l’hypnotique Monument Valley), Annapurna Interactive (le vertigineux What Remains of Edith Fintch), ou encore Giant Squid (le relaxant Abzû). Prestigieux, mais pas forcément connus du grand public. « C’est une annonce étonnamment niche », relève Serkan Toto. « Je pense qu’au final Arcade est un programme de curation, d’image de marque et de financement – ils ont annoncé soutenir certains développeurs. »
Autre prise de position très forte, cette fois côté consommateur : alors que l’annonce du service de jeux vidéo à la demande par cloud de Google suscite la méfiance, Apple s’est engagé à interdire toute collecte de données. De même, la firme de Cupertino promet une expérience débarrassée de toute publicité et tout achat inclus, alors que le modèle du jeu sur mobile tend souvent à user de psychologie comportementale et de mécaniques de frustration pour pousser le consommateur à dépenser plus qu’il ne l’avait prévu. « Le respect de la vie privée, la sécurité, la qualité et la curation sont des notions fondamentales pour l’App Store », a insisté l’entreprise dans un communiqué.
Reste à voir s’il existe un véritable marché pour du jeu mobile haut de gamme. « Pour les consommateurs qui veulent profiter de jeux mobiles sur leur téléphone sans pub ni achat intégré, Arcade a l’air parfait, relève Serkan Toto. Je doute juste qu’il y ait assez d’utilisateurs dans le monde pour que cela vaille le coup pour Apple. » D’autant que si son offre n’a pas de concurrent direct sur le segment du jeu vidéo mobile haut de gamme, elle devra malgré tout composer avec l’explosion des services en abonnement. Elle vient en effet s’ajouter aux PlayStation Plus et PlayStation Now de Sony, aux Xbox Live, Xbox Games Pass, et Project XCloud de Microsoft, au Switch Online de Nintendo et à Twitch Prime… en attendant une possible extension d’Amazon Prime au jeu vidéo.