La pompe « son et lumière » de la pénible cérémonie d’ouverture de la finale , sur fond d’eurodance, ne fait pas illusion : la Coupe de Ligue n’intéresse que très tardivement, de moins en moins, et seulement les supporters des finalistes. / PASCAL ROSSIGNOL / REUTERS

CHRONIQUE. Dans l’ennui d’un 0-0 conclu par des tirs au but, dans l’indifférence assez générale des non-Alsaciens et des non-Costarmoricains, en plein milieu d’un week-end de championnat, le RC Strasbourg s’est adjugé samedi 30 mars face à Guingamp une Coupe de la Ligue plus dévaluée que jamais.

Certes, au bout de vingt-cinq ans de sa formule actuelle, on pourrait lui accorder une forme d’épaisseur historique, mais ce sera plus aisé pour les générations qui l’ont toujours connue et peuvent croire que, comme la Ligue des champions pas champions ou les discutables maillots « third », elle a toujours existé.

Désaveux en série

Autre impression trompeuse : le Stade Pierre-Mauroy de Lille rempli pour cette finale cache mal les désastreuses affluences des tours précédents. En quarts de finale, par exemple, 7 600 spectateurs ont assisté à Bordeaux-Le Havre (soit 18 % de taux de remplissage), 21 700 à Lyon-Strasbourg (38 %). Avant sa conclusion dans le Nord, la compétition comptait en moyenne moins de 9 000 spectateurs par match.

Elle ne fait pas mieux du côté des audiences. L’hémorragie affecte l’ensemble des tours, mais les 2,26 millions de téléspectateurs mesurés samedi soir – la moitié du score encore enregistré en 2012 – marquent une septième année de baisse consécutive. Ni la perspective de voir le PSG surclasser son adversaire (de 2014 à 2018), ni cette plaisante affiche d’outsiders n’ont été en mesure d’enrayer la chute.

Ultime désaveu, la Coupe n’a toujours pas trouvé de diffuseur après 2020. Jusqu’à présent, elle faisait office d’aumône pour le service public (mais est devenue trop chère pour celui-ci) ou plus récemment pour Canal+, dépouillé de compétitions majeures par ses concurrents.

En résumé, la Coupe de Ligue n’intéresse que très tardivement, de moins en moins, et seulement les supporters des finalistes. La pompe « son et lumière » de sa pénible cérémonie d’ouverture, sur fond d’eurodance, ne fait pas illusion.

Passe-droits

Compétition en plastique, comme son trophée, la Coupe de la Ligue est désormais vide. Nue, aussi, tant elle apparaît plus que jamais pour ce qu’elle a toujours été : un tournoi qui offre des passe-droits aux clubs engagés en Coupe d’Europe (en tant que têtes de série, quatre victoires leur suffisent pour obtenir un billet pour la Ligue Europa) et distribue des primes facilement gagnées.

Les 2,8 millions d’euros accordés au vainqueur de cette année constituent ainsi le seul indicateur en hausse, obtenu à la faveur d’un nouveau contrat avec un industriel indien, « leader mondial du pneu pour les segments spécialisés des engins et appareils utilisés dans l’agriculture, le terrassement, les secteurs minier, industriel, portuaire, jardinage et petits engins tout-terrain ».

Un sponsor de niche pour une compétition de plus en plus mineure, et un naming qui n’arrange pas son image. En septembre 2018, le directeur général de la Ligue, Didier Quillot, avait pourtant affirmé, sans rire, que ce partenariat démontrait « l’attractivité grandissante de la Coupe de la Ligue ».

On préférait encore le sobriquet de « Coupe Moustache », en référence au célèbre attribut pileux de l’ancien président de la LFP, Frédéric Thiriez, son plus grand défenseur, ou celui de « Coupe Machin » donné par l’ancien sélectionneur Raymond Domenech.

Produit en fin de vie

Non seulement elle n’a jamais acquis la légitimité de la plus que centenaire Coupe de France, mais elle a contribué à rétrograder celle-ci au rang de parent pauvre, tout en alourdissant les calendriers avec des rencontres disputées avec un manque palpable de motivation.

Elle avait pourtant été lancée, en 1995, en contrepartie d’un passage de la Ligue 1 de vingt à dix-huit clubs… ce qui n’avait tenu que de 1998 à 2002. Ses homologues allemande (1997-2007) et espagnole (1982-1986) n’ont connu que des existences éphémères, et l’Italie s’est toujours abstenue d’en organiser une. La League Cup anglaise, née en 1961, subit pour sa part des critiques croissantes.

Avec tant de lignes de discrédit, on se dit que le dépôt de bilan est proche. C’est encore faire preuve d’optimisme. Le football mondial s’inscrit dans une « dynamique » d’invention de compétitions fantaisistes ou d’élargissement des compétitions existantes, avec la cupidité pour seule motivation.

Là est peut-être l’espoir, néanmoins : la perspective de droits concédés au rabais et d’une diffusion totalement payante pourrait sonner le glas de la Coupe de la Ligue. Il sera alors temps d’envisager le recyclage de son trophée, pourquoi pas en urne pour le tirage au sort de la Coupe de France.