L’avis du « Monde » – à voir

« Tout va bien », Alles ist gut, tel est le titre original du premier long-métrage de la réalisatrice allemande Eva Trobisch. La version française, Comme si de rien n’était, est plus feutrée, mais elle résume sans doute encore mieux l’état d’esprit de l’héroïne du film, ainsi que le style épuré de ce premier long-métrage distingué par plusieurs prix (meilleur premier film à Locarno, Grand Prix du jury au festival Premiers plans d’Angers). Janne (Aenne Schwarz), une jeune femme libre, éditrice, voit sa vie basculer à l’issue d’une fête professionnelle où elle se rend sans son compagnon.

Après avoir meublé la soirée en vidant des verres, elle sympathise avec Martin (Hans Löw), aussi imbibé qu’elle. Ils rient beaucoup, elle lui propose de l’héberger. Il commence à s’approcher d’un peu trop près à son goût, elle le repousse gentiment, mais il insiste, de plus en plus lourdement, et finit par la plaquer au sol. Janne se dit peut-être à ce moment-là que le combat est perdu et qu’il vaut mieux en finir… Sans cri ni larmes. Trente secondes plus tard, le mâle assouvi quitte le domicile, un peu hagard.

Féministe à sa façon

Janne se persuade que ce viol ne doit pas lui gâcher sa vie à elle, mais celle de cet homme. Du moins suppose-t-on le chemin parcouru dans la tête de la jeune femme, qui dès le lendemain essaie de reprendre sa vie habituelle. Elle a des soucis professionnels et financiers à régler : la société d’édition qu’elle dirige avec son ami a pris l’eau et Janne accepte de travailler chez un éditeur de livres pratico-pratiques. Son amoureux ne le supporte pas et s’éloigne.

Janne a la surprise de revoir surgir son agresseur dans ses nouveaux bureaux. Elle fait bonne figure, lui sourit même, tandis que lui se décompose. Maladroitement, Martin vient s’excuser, demande ce qu’il peut faire. Cette scène clé, que la réalisatrice explique avoir filmée dans toutes ses variantes – la colère, la distance, le mépris… – avant de mélanger ses prises au montage, est particulièrement réussie.

Il y a certes quelques lourdeurs dans le scénario : fallait-il, par exemple, que par réciprocité, le nouveau patron de Janne soit victime de violences de la part de sa femme ? Mais le film révèle d’excellents comédiens – Aenne Schwarz, qui vient du théâtre, a obtenu le Prix de la meilleure actrice à Angers. Le féminisme de son personnage réside dans cette volonté féroce d’être plus forte que l’agresseur. Jusqu’où tiendra-t-elle ? La fin est aussi ouverte qu’abrupte.

COMME SI DE RIEN N'ETAIT - bande-annonce
Durée : 01:56

Film allemand d’Eva Trobisch. Avec Aenne Schwarz, Andreas Döhler, Hans Löw (1 h 30). Sur le Web : commesideriennetait-lefilm.com/presse