« Combatif et innocent. » S’exprimant pour la première fois à la télévision, Carlos Ghosn a réaffirmé son innocence, quelques heures avant son arrestation, jeudi 4 avril à Tokyo. Dans une interview aux chaînes françaises TF1 et LCI, l’ancien dirigeant de l’alliance Renault-Nissan-Mitsubishi dénonce les « mensonges » et « l’acharnement » dont il se dit victime depuis sa première interpellation, le 19 novembre 2018.

Carlos Ghosn, 65 ans, a été interpellé jeudi à 6 heures du matin (mercredi, 23 heures à Paris) dans l’appartement qu’il occupe depuis sa libération sous caution le 6 mars, à Tokyo, sur de nouveaux soupçons de malversations financières. Les procureurs de Tokyo l’accusent d’avoir violé ses obligations professionnelles et cherché à s’enrichir personnellement au détriment du constructeur japonais.

Dans l’interview qui sera diffusée intégralement ce soir à 20 heures, M. Ghosn dénonce une « démolition systématique » de la part de « personnes à l’intérieur de Nissan ». « Il y a un acharnement, qui n’est pas récent, qui a démarré le jour de mon arrestation le 19 novembre 2018 et ne s’est jamais arrêté », affirme-t-il. L’ancien dirigeant appelle le gouvernement français à l’aide :

« Je suis combatif, je suis innocent, c’est dur, il faut le savoir et je fais appel au gouvernement français pour me défendre, pour préserver mes droits en tant que citoyen pris dans un engrenage incroyable. »

« Manipulation » des procureurs

Lors d’une conférence de presse jeudi matin, l’avocat de Carlos Ghosn a annoncé qu’il ferait appel de cette nouvelle arrestation qualifiée d’« inattendue ». Il a précisé que le parquet de Tokyo avait confisqué à cette occasion des documents dont Carlos Ghosn avait besoin pour préparer son procès. Par ailleurs, l’avocat publiera une vidéo de la déclaration que l’ancien dirigeant prévoyait de faire lors d’une conférence de presse le 11 avril – celle qu’il avait annoncée mercredi via Twitter de façon impromptue, pour « dire la vérité sur ce qui se passe ».

Dans un communiqué, transmis à l’Agence France-Presse et probablement rédigé au préalable, le magnat de l’automobile déchu a dénoncé une « arrestation révoltante et arbitraire ». « Pourquoi venir m’arrêter alors que je n’entravais en rien la procédure en cours, sinon pour me briser ? Je suis innocent de toutes les accusations infondées portées contre moi et des faits qui me sont reprochés », a-t-il assuré,dénonçant une « nouvelle manœuvre de certains individus chez Nissan qui vise à m’empêcher de me défendre en manipulant les procureurs ».

Carlos Ghosn a été arrêté une première fois le 19 novembre 2018 pour avoir minoré ses déclarations de revenus aux autorités financières japonaises entre 2010 et 2015. Il l’a été une seconde fois le 10 décembre pour des faits similaires entre 2015 et 2018, puis une troisième le 21 décembre pour abus de confiance aggravé. Le parquet l’a mis en examen pour l’ensemble de ces charges. Après 108 jours de garde à vue et de détention provisoire, il a bénéficié d’une libération contre le versement d’une caution d’un milliard de yens (7,9 millions d’euros), dans l’attente d’un procès qui ne devrait pas intervenir avant plusieurs mois.

Nouveaux soupçons de malversations financières

M. Ghosn est désormais sous la menace d’une quatrième mise en examen. Le parquet le soupçonne d’avoir transféré des fonds de Nissan, pour un total de 15 millions de dollar, entre fin 2015 et mi-2018, à une société « de facto contrôlée par lui ». Sur cette somme, 5 millions ont été détournés, a précisé le bureau des procureurs dans un communiqué. « Le suspect a trahi sa fonction [de patron de Nissan] pour en tirer des bénéfices personnels », a-t-il souligné.

Selon une source proche du dossier, le procédé a débuté dès 2012, portant sur une somme totale de plus de 30 millions de dollars versée à un distributeur de véhicules Nissan à Oman, montant dont une partie lui serait revenue indirectement. Il aurait notamment acheté un yacht et investi dans une société dirigée par son fils aux Etats-Unis.

Des flux financiers similaires ont été signalés la semaine dernière par Renault à la justice française, à l’issue d’une enquête interne du constructeur qui s’interroge aussi sur des dépenses opaques au sein de la filiale commune avec Nissan, RNBV, sise aux Pays-Bas. Une enquête avait déjà été ouverte sur le financement du mariage de Carlos Ghosn au château de Versailles en octobre 2016.

Interrogé sur BFM TV jeudi, le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, s’est borné à déclarer que Carlos Ghosn bénéficiait de la présomption d’innocence et de la protection consulaire.

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