Clémence Calvin a pris la deuxième place du marathon aux derniers championnats d’Europe, en 2018. / JOHN MACDOUGALL / AFP

Entre Clémence Calvin, figure de proue de l’athlétisme féminin français, et les préleveurs antidopage, c’est une histoire de rendez-vous manqués. La semaine dernière, a appris Le Monde, la vice-championne d’Europe du marathon, en août 2018 à Berlin, s’est soustraite à un contrôle au Maroc, où elle préparait le marathon de Paris dont elle doit être la tête d’affiche, dimanche 14 avril.

L’athlète est depuis de longs mois dans le viseur de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD). La semaine passée, deux préleveurs français, un homme et une femme, se sont rendus au Maroc pour tenter de réaliser sur elle un contrôle inopiné.

Fait exceptionnel, ils étaient accompagnés du directeur des contrôles de l’agence, Damien Ressiot, signe de l’importance de la mission qui s’est étalée sur trois jours.

Le contrôle raté s’est produit mercredi 27 mars dans l’après-midi. A son sujet, les versions divergent et devraient faire l’objet, selon un acteur du dossier, « d’une bataille juridique entre les parties ». C’est l’AFLD qui va décider des suites à donner au rapport délivré par le préleveur assermenté.

Ce que dit le code antidopage

Qu’est-ce qu’un refus de contrôle ? Il est défini par l’article 2.3 du code mondial antidopage comme le fait de « se soustraire au prélèvement d’un échantillon, refuser le prélèvement d’un échantillon ou ne pas se soumettre au prélèvement d’un échantillon », sans justification valable.

Quelle est la sanction encourue ? Un refus de contrôle est équivalent à un contrôle positif, c’est-à-dire passible d’une suspension de quatre ans.

Fuite

Selon le récit fait au Monde par plusieurs sources, les trois représentants de l’AFLD ont demandé à Clémence Calvin de se soumettre à un contrôle antidopage inopiné. La Française aurait refusé et pris la fuite.

Dans l’éventualité où elle n’ait pas signé la feuille de notification du contrôle antidopage, la procédure devant mener à une suspension s’annonce longue pour l’AFLD.

Dans un premier temps, si les faits sont suffisamment clairs, la présidente de l’AFLD, Dominique Laurent, peut, seule, décider d’imposer une suspension provisoire à Clémence Calvin, ce qui la priverait de participation au marathon de Paris.

Cette procédure se fait sans contradictoire, même si la sportive peut exercer un recours gracieux auprès de la présidente puis contester cette suspension provisoire devant le tribunal administratif.

Contactée, l’AFLD n’a pas souhaité faire de commentaire.

« Aucun problème »

L’athlète n’a pas ébruité l’histoire, que son attaché de presse a apprise par un appel du Monde, et son manager, René Auguin, via un tweet d’un journaliste de France Télévisions tard mercredi 3 avril, racontant l’épisode sans donner le nom de l’athlète.

« Elle est en préparation au Maroc mais elle n’a eu aucun problème, ne s’est soustraite à aucun contrôle », assure son compagnon et entraîneur, le coureur de demi-fond Samir Dahmani, joint par Le Monde.

« Sa localisation est à jour à l’AFLD, et l’Agence sait où elle est. De ce côté-là, il n’y a pas de souci, ajoute-t-il. Je veux l’éloigner de tout ça. C’est moi qui parle en son nom mais je peux vous garantir qu’il n’y a rien du tout. »

Le jeune homme assure que Clémence Calvin ne s’est pas entraînée à Ifrane, son lieu de séjour habituel, contrairement à la fin du mois de février et début mars. Mais il ne souhaite pas dire dans quel endroit du Maroc elle s’entraîne.

Selon l’un de ses interlocuteurs réguliers, Clémence Calvin était difficilement joignable lors de ce stage prolongé au Maroc.

Des acteurs de la lutte antidopage ajoutent que la Française a l’habitude de changer régulièrement sa localisation ou d’indiquer une localisation floue sur la plateforme Adams, qui permet aux autorités d’organiser des contrôles inopinés.

Ces derniers sont les seuls qui permettent de détecter les produits dopants pris en période de préparation par les athlètes de haut niveau.

Les athlètes tentant d’échapper aux contrôles inopinés ont fréquemment recours à cette stratégie.

Le précédent du semi-marathon de Paris

C’est la deuxième fois en moins d’un mois qu’une question de contrôle antidopage concerne Clémence Calvin.

Lors du semi-marathon de Paris, le 10 mars, elle avait réalisé une performance prometteuse (3e) et établi le premier record de France du 5 kilomètres - un record qui n’était pas enregistré jusqu’alors.

Pour valider ce record, une formalité restait à remplir : un contrôle antidopage dans les trois jours suivant la performance puisque, pour la première fois depuis de nombreuses années, aucun préleveur n’était missionné sur cette compétition.

La Fédération française d’athlétisme (FFA) avait proposé à Clémence Calvin de faire venir un préleveur pour valider le record, mais la Française avait décliné, affirmant qu’elle améliorerait sa marque prochainement. Cette attitude avait interrogé, alors qu’elle rentrait d’un stage à Ifrane.

« J’avoue qu’organiser et me rendre dans un labo pour un contrôle en plus de mes tranches horaires de localisation, et ce en pleine prépa marathon, pour un pseudo-record, anecdotique en 16’24, j’en avais un peu que faire », avait-elle expliqué le 22 mars dans un message sur Facebook.

Avant d’ajouter : « Avec le recul, je me dis que j’aurais certainement dû le faire pour ne pas laisser la place à certains commentaires. (…) Un contrôle de plus, un de moins… Cela est notre quotidien de sportif professionnel, donc “no soucis” (sic). »

La Provençale était la belle histoire de l’équipe de France lors des derniers championnats d’Europe. Sa médaille d’argent du marathon en 2 heures, 26 minutes et 28 secondes, à six secondes de la vainqueure biélorusse Volha Maruzonak, sanctionnait une reconversion réussie.

Médaillée d’argent sur 10 000 mètres lors des championnats d’Europe 2014 - devant sa compatriote Leïla Traby, tombée depuis pour dopage -, Clémence Calvin avait fait une pause pour donner naissance à son premier enfant en 2017. Son marathon européen était le premier de sa carrière.

« Si cette histoire se confirme, c’est un énorme coup dur pour l’athlétisme français », résume une source à la FFA. Contacté, le président de la Fédération, André Giraud, est resté injoignable.