Une vague de solidarité nationale et internationale après l’incendie de Notre-Dame
Une vague de solidarité nationale et internationale après l’incendie de Notre-Dame
Par Louise Couvelaire
L’incendie entraîne un afflux de dons inédit, en provenance de grandes fortunes, d’entreprises, mais aussi de collectivités ou de particuliers.
Notre-Dame, c’est le visage de la « beauté et de l’histoire de Paris », a écrit le quotidien américain The New York Times. Une réaction parmi tant d’autres, dans la déferlante d’émotion qui a suivi l’incendie, lundi 15 avril.
Notre-Dame de Paris, c’est aussi la mémoire d’un auteur, Victor Hugo. Avec son roman, publié en 1831, il a fait de la cathédrale vieillissante une héroïne mondiale, romantique et « laïcisée », un lieu de communion qui appartient à tous, chrétiens ou pas, croyants ou non, Français et citoyens du monde. Autant de raisons de vouloir lui redonner vie, ici et ailleurs. Une fois encore. A tout prix.
Quelques heures seulement après le début de la tragédie, l’ouvrage de Victor Hugo figurait déjà en tête des ventes sur la plate-forme Internet Amazon France. Les images des flammes ravageant la voûte, la charpente et la toiture de l’édifice datant du XIIe siècle ont bouleversé le monde. Les chefs d’Etat ont exprimé leur émotion ; les cloches des églises de France ont résonné ; celles des cathédrales devaient sonner à l’unisson ce mercredi 17 avril, comme celles des églises d’Angleterre ; acteurs publics et privés, Français et étrangers, se sont engagés à faire don de centaines de millions d’euros afin de financer sa reconstruction. Un élan sans précédent.
Un demi-milliard d’euros, c’est le montant promis par les trois familles les plus fortunées de France. François-Henri Pinault, à la tête du groupe Kering, a été le premier à communiquer, dans la nuit de lundi à mardi, en indiquant que la société d’investissement familiale, Artemis, allait débloquer 100 millions d’euros. La famille Arnault (LVMH) a suivi quelques heures plus tard en doublant la mise avec un « don » de 200 millions d’euros, tout comme les Bettencourt (L’Oréal).
Bornes de dons dans le métro
Cent millions d’euros pour le groupe Total, 20 millions d’euros pour le géant français de l’affichage publicitaire JCDecaux et BNP Paribas, 10 millions d’euros pour Martin et Olivier Bouygues ainsi que Marc Ladreit de Lacharrière (Fimalac), les banques BPCE et Société générale et l’assureur Axa, 1 million d’euros pour le géant informatique français Capgemini… Plus de 700 millions d’euros de promesses de dons – assortis d’importantes réductions d’impôts – émanant du secteur privé ont été enregistrées en à peine vingt-quatre heures. Le PSG, le club de foot de la capitale, va de son côté lancer plusieurs actions de mobilisation auprès de ses principaux partenaires et de ses fans afin de collecter des fonds.
En parallèle, les cagnottes en ligne destinées à recevoir les dons des particuliers se sont multipliées. Sur Leetchi, « Financement des réparations Notre-Dame de Paris » avait récolté près de 40 000 euros, mercredi matin. Sur le site Dartagnans, « Notre-Dame de Paris, je t’aime ! » a rassemblé près de 70 000 euros, soit 1 448 contributions issues de cinquante et un pays.
Au terme de la première journée de mobilisation, la Fondation du patrimoine a dressé un premier bilan : 136,3 millions d’euros récoltés, dont 6,3 millions d’euros auprès de 68 000 donateurs individuels, parmi lesquels la milliardaire brésilienne Lily Safra (la somme n’est pas révélée). « Facebook France a mobilisé 51 000 euros de dons de 3 000 internautes », précise dans un communiqué l’organisme privé indépendant, dont la mission est de sauvegarder et de valoriser le patrimoine français. Google France a, par ailleurs, offert de donner à l’appel aux dons de la visibilité sur son moteur de recherche. Dès jeudi 18 avril, dix bornes de dons sans contact seront installées dans la station de métro Concorde, à Paris, et 10 000 écrans numériques destinés à relayer l’appel aux dons seront répartis dans le métro parisien.
Parmi les engagements en nature, celui de Groupama, qui a annoncé son intention d’offrir 1 300 chênes en provenance des forêts normandes, destinés à la reconstruction de la charpente de la cathédrale.
Avec le Centre des monuments nationaux, la Fondation Avenir du Patrimoine-Notre-Dame, à Paris (qui dépend du diocèse), et la Fondation de France, la Fondation du Patrimoine est l’un des quatre établissements habilités par le gouvernement à collecter des dons dans le cadre de la souscription nationale et internationale annoncée par Emmanuel Macron lundi soir. Mardi, le gouvernement a mis en place un portail commun baptisé Rebâtir Notre-Dame. Ce mercredi, le conseil des ministres devait être entièrement consacré au plan de reconstruction.
Portée symbolique de l’événement
C’est toute la République qui se presse au chevet de la cathédrale défigurée. La Ville de Paris va contribuer à hauteur de 50 millions d’euros et la région Ile-de-France, à hauteur de 10 millions d’euros. D’autres communes (Rennes, Nantes, Bordeaux, Toulouse…) et collectivités se sont, elles aussi, engagées. Ainsi de la région Auvergne-Rhône-Alpes qui versera 2 millions d’euros et de la région Occitanie, qui propose une aide de 1,5 million d’euros.
La portée symbolique de cet événement dépasse nos frontières. Au Parlement européen de Strasbourg, une urne a été placée à l’entrée de l’hémicycle pour recueillir des dons des eurodéputés. Le président du Conseil européen, le Polonais Donald Tusk, a également appelé les Etats membres à « prendre part » au projet de reconstruction et la Banque centrale européenne a promis « une contribution financière ».
Plus singulier, la ville hongroise de Szeged, qui a annoncé faire un don de 10 000 euros, s’estimant redevable à la capitale française. En 1879, Paris avait aidé à sa reconstruction après une inondation. En Côte d’Ivoire, c’est le roi de Krindjabo, capitale du royaume de Sanwi dans le sud-est du pays, qui a promis de participer. Un prince de son royaume avait été baptisé dans la cathédrale dans les années 1700.
Aux Etats-Unis, la French Heritage Society, organisation qui se consacre à la préservation des trésors architecturaux et culturels français, a ouvert un site sur Internet pour collecter des fonds. Le patron d’Apple, Tim Cook, a pour sa part assuré que sa firme allait contribuer à l’effort de reconstruction, mais sans dévoiler la somme. Henry Kravis, cofondateur du fonds d’investissement américain KKR, et son épouse Marie-Josée, se sont montrés plus précis en annonçant un don de 10 millions de dollars (8,85 millions d’euros). Autant de bonnes volontés et de gestes de solidarité qui participent peut-être de l’optimisme d’Emmanuel Macron, qui a affirmé que la cathédrale serait rebâtie « plus belle encore », « d’ici cinq années ».
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