« Mais vous êtes fous » : dans l’intimité d’un couple détruit par l’addiction à la drogue
« Mais vous êtes fous » : dans l’intimité d’un couple détruit par l’addiction à la drogue
Par Murielle Joudet
Audrey Diwan signe un film littéral et asphyxiant, dont le scénario ressemble à celui d’une campagne de prévention.
Mari comblé, père exemplaire qui chouchoute ses deux filles quand il ne travaille pas dans son cabinet dentaire, Roman (Pio Marmaï) a un secret : une consommation régulière, et même quotidienne, de cocaïne. Il parvient pendant des années à cacher son addiction aux yeux de ses proches, jusqu’au jour où un incident fait exploser la cellule familiale qui doit se reconstruire comme elle peut. Et Roman de devoir montrer patte blanche pour réintégrer sa famille.
On est ici, en terrain bien connu : celui de la chronique du délitement d’un couple à laquelle s’ajoute le film-dossier sur l’addiction à la drogue. En cela, Mais vous êtes fous donne l’impression qu’on aurait pu prélever chaque scène de films préexistants pour le réaliser : engueulades, embrassades, scènes de sexe pudiques, dîner en famille où les enfants rechignent à manger leurs légumes, petite fille qui se demande « il est où papa ? », grands-parents protecteurs mais inquiets.
Mais il y a aussi ces nombreuses scènes d’interrogatoires dans des bureaux devenus la toile de fond quotidienne d’un certain cinéma français naturaliste (dernier exemple en date, Jusqu’à la garde, de Xavier Legrand). Les institutions en-cadrent (au sens cinématographique) le couple, lui font passer toute une batterie d’examens pour s’assurer de son innocuité cinématographique.
Symbolisme primaire
Innocuité au sens où, à force d’inspecter dans les moindres recoins la vie intime du couple (sur ce point, la seule scène intéressante du film est le moment où Roman reproduit les gestes du quotidien face à un inspecteur), ne subsiste plus aucun mystère à l’écran. Le résultat est littéral et asphyxiant comme la lecture d’un procès-verbal. Audrey Diwan ne laisse aucune place à l’imaginaire, et si toutefois celui-ci voulait s’immiscer dans le film, les émissaires du réel (commissaire, médecin, assistante sociale, juge) lui barreraient la route.
La réalisatrice suit précautionneusement la trajectoire de son scénario qui ressemble à celui d’une campagne de prévention ou d’une pub pour un antidouleur (avant : Roman n’arrive pas à dormir/après : Roman danse avec ses filles). L’ensemble converge lentement vers un symbolisme primaire : une grille sépare l’homme et la femme. Mais celle-ci, on le comprend, peut être franchie. Si loin, si proche… jusqu’au prochain examen.
MAIS VOUS ÊTES FOUS - Bande-annonce
Durée : 01:49
Film français d’Audrey Diwan. Avec Pio Marmaï, Céline Sallette, Carole Franck (1 h 35). Sur le Web : www.maisvousetesfous-lefilm.com