« Bonding » : coup de cœur et coups de fouet
« Bonding » : coup de cœur et coups de fouet
Par Renaud Machart
La série de Rightor Doyle sur Netflix met subtilement au centre de son propos les activités d’une jeune dominatrice SM.
« Bonding » veut en anglais dire « créer des liens », mais évoque aussi l’art du bondage sadomasochiste. L’un n’empêchant pas l’autre, comme on le verra dans cette attachante et surprenante série, proposée depuis le 24 avril par Netflix, qui parvient, en sept épisodes courts (environ 15 minutes), à mettre dans un même panier sadomasochisme, psychothérapie et comédie de stand up.
C’est ce qu’a accompli Rightor Doyle, le créateur et réalisateur de Bonding, connu également comme acteur (Barry, You’re the Worst), en s’inspirant de sa propre expérience de jeunesse, à travers l’histoire de Pete (Brendan Scannell), un jeune rouquin, homosexuel et timoré, qui tente de percer dans le métier d’humoriste et arrondit ses fins de mois en devenant l’assistant de sa meilleure amie, Tiff (Zoe Levin), l’une des dominatrices les plus recherchées de New York et par ailleurs étudiante en psychologie.
Pete se trouve progressivement associé aux activités tarifées (et parfois risquées) de son amie et découvre non seulement un monde, mais aussi une partie de lui-même qu’il ne connaissait pas. Celle qui exerce sous le nom de Mistress May propose un vaste ambitus de pratiques, du plumet caressant au fouet lacérant. Elle reçoit aussi les « fursuiters », c’est-à-dire, dans le jargon anglo-saxon du fétichisme contemporain, les amateurs de seconde peau et de costumes d’animaux…
Le sujet est hardi et la série frôle, mais sans jamais y tomber, le mauvais goût et la vulgarité ; et le ton est subtil – parfois même poétique. Bonding est réalisée (et interprétée) avec tact, accompagnée d’une bande-son raffinée (le générique de fin fait entendre de nouvelles variations sur le fameux thème de « La Follia »).
Et l’on saura gré à cette comédie de ne jamais moquer des pratiques sadomasochistes qui pourraient faire rire ceux qui n’y sont pas sensibles. Ce qui n’a pas empêché certaines « vraies » dominatrices de dénoncer, inflexibles, l’invraisemblance présumée des situations, comme l’a rapporté la presse américaine.
« Bonding », la série humoristique et sadomasochiste. / COURTESY OF NETFLIX
Abondance de thèmes
Le format court n’est jamais imparfaitement habité – contrairement à la récente autre série de Netflix, Special, de et avec Ryan O’Connell, qui parvenait à créer des tunnels et des « blancs » dans des épisodes de durée équivalente. Au contraire : beaucoup de choses sont dites dans Bonding, les aventures SM entrecroisent les expériences amoureuses de Tiff et Pete. Et ce dernier parvient à concilier les parties de sa nouvelle vie pour en faire la matière d’un numéro comique hautement libérateur.
Le harcèlement (non désiré et rétribué) est également évoqué, quand le professeur d’université en psychologie fait comprendre à certaines de ses élèves – dont Tiff – qu’une épreuve de l’examen de fin d’année se passe dans son lit. Cette abondance de thèmes pourrait donner l’impression que Bonding veut en dire un peu trop, et le dit un peu trop vite.
On regrettera à cet égard que le passage du sixième épisode au septième (le dernier) contracte et jugule (si l’on ose requérir ce lexique SM…) un peu trop le récit et laisse le spectateur sur sa faim en donnant à Bonding une conclusion semi-ouverte. Mais si c’est une manière de le frustrer en l’attente d’une suite prochaine, c’est que, décidément, Rightor Doyle s’y connaît en matière de domination mentale…
BONDiNG | Official Trailer | Netflix
Durée : 01:50
Bonding, série créée par Rightor Doyle. Avec Zoe Levin, Brendan Scannell, Micah Stock, D’Arcy Carden, Theo Stockman, Stephanie Styles (US, 2019, 7 x 13-17 min). www.netflix.com/fr/title/81004814