Le « Guardian » réduit ses pertes et défend son modèle gratuit
Le « Guardian » réduit ses pertes et défend son modèle gratuit
LE MONDE ECONOMIE
A contre-courant de la tendance du secteur, le quotidien britannique refuse de faire payer l’accès à son site et appelle ses lecteurs aux dons. Il a effacé 57 millions de livres de pertes en trois ans.
Des passants devant le bâtiment du « Guardian », à Londres, en août 2013. / Suzanne Plunkett / REUTERS
Le Guardian est en passe de combler le gouffre financier qu’il a creusé au cours des deux dernières décennies. Trois ans après avoir lancé son plan de redressement, le quotidien britannique a annoncé, mercredi 1er mai, avoir atteint son objectif, en parvenant à l’équilibre opérationnel en 2018-2019. Un profit de 800 000 livres (soit 933 520 euros) a même été dégagé, alors que le titre et son édition dominicale, The Observer, accusaient une perte de 57 millions il y a trois ans.
En tenant compte des investissements technologiques et des indemnités de départ, les pertes du Guardian s’élèvent encore néanmoins à 29 millions de livres. Elles seront une nouvelle fois épongées par son unique actionnaire, un trust à but non lucratif.
Mais le journal est malgré tout parvenu à stopper une hémorragie financière alimentée par une « culture de pertes constantes et massives, que la plupart des entreprises ne pourraient tolérer », pointait la BBC mercredi. Plus de 227 millions de livres ont ainsi été englouties par le groupe entre 2009 et 2016.
Appel aux dons des lecteurs
La stratégie adoptée il y a trois ans par le Guardian laissait pourtant sceptiques bon nombre d’observateurs. Tandis que la plupart des quotidiens décidaient de rendre payant l’accès à leur site Internet pour compenser la chute de leur diffusion papier et des revenus de la publicité en ligne, le titre londonien a, de son côté, fait le pari de la gratuité. Il mise uniquement sur la générosité de ses lecteurs, en les appelant à faire un don à la fin de chaque article.
Le groupe revendique ainsi 655 000 contributeurs mensuels (dont 110 000 abonnés à sa version papier), et 300 000 autres ayant fait un don ponctuel au cours de l’année passée. « Ils le font pour soutenir un journalisme d’investigation indépendant mais aussi pour que le Guardian reste gratuit pour les gens qui n’ont pas les moyens de donner », explique au Monde Katharine Viner, la rédactrice en chef du média de centre gauche dont deux lecteurs sur trois vivent hors du Royaume-Uni.
L’entreprise se refuse, toutefois, à préciser combien ces dons lui rapportent, mais affiche des revenus en hausse de 3 % sur un an, à 223 millions de livres, leur plus haut niveau en dix ans. Un cap symbolique a été franchi : les recettes numériques ont dépassé celles du papier, pour atteindre 55 % du chiffre d’affaires du Guardian. La publicité, dans son édition papier, elle, ne pèse plus que 8 %, et sa diffusion s’est effondrée de 60 % en dix ans.
Cette santé financière retrouvée est aussi le résultat de mesures d’économies. Un plan de départs volontaires a permis la suppression de 450 postes depuis 2016, dont 120 sur 800 dans la rédaction. En y ajoutant le passage du journal au format tabloïd, moins coûteux, le titre a réduit ses coûts de 20 % en trois ans.
Si elle ne ferme pas la porte à un accès payant au site du Guardian, Mme Viner tient aux vertus du modèle gratuit : « toucher 160 millions de personnes chaque mois ». Reste à en transformer une partie en donateurs. La rédactrice en chef compte pour cela sur le journalisme « d’impact » pratiqué par le quotidien britannique, qui a révélé l’affaire Snowden ou bien encore le scandale Cambridge Analytica.
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