L’objectif de la ministre des sports, Roxana Maracineanu, est de parvenir à 50 % des Conseillers techniques sportifs (CTS ) « détachés » dans les fédérations d’ici à 2025. / LUDOVIC MARIN / AFP

Les députés ont adopté, vendredi 3 mai en commission des lois, un article du projet de loi « de transformation de la fonction publique », qui inquiète au plus point les conseillers techniques sportifs (CTS), ces cadres d’État, spécificité et rouage du modèle sportif français, que le gouvernement veut voir quitter le giron du ministère des sports pour rejoindre celui des fédérations dont ils dépendent.

L’article en question (l’article 28 du projet de loi) vise les fonctionnaires en général. Il s’agit de définir les conditions (rémunération, droits, possibilité de réintégration) dans lesquelles ceux-ci peuvent faire l’objet d’un « détachement automatique » lorsqu’ils évoluent dans un service externalisé vers une entreprise privée privé, ou un organisme de droit public gérant un service public industriel et commercial.

Le gouvernement y a ajouté un amendement, qui a été adopté vendredi en commission des lois : celui-ci précise en l’occurrence que, « en dehors des cas où ils sont mis à disposition », les fonctionnaires, lorsqu’ils « exercent leurs missions auprès d’une personne morale de droit privé », pourront « être détachés d’office dans les conditions du présent article auprès de cette personne morale de droit privé. »

Si le gouvernement, par la voix du secrétaire d’Etat chargé de la fonction publique, Olivier Dussport, a assuré, vendredi, que cet amendement est une « mesure de coordination », afin de prendre en compte la situation de structures employant à la fois des personnels de droit public et de droit privé, les représentants des CTS y voient tout autre chose en ce qui concerne leur propre cas.

« Un amendement scélérat du gouvernement, porté en catimini sans informer les députés, a été porté à l’assemblée dans la loi de modernisation publique, pour rendre le détachement d’office des CTS légal », dénonce, dans un communiqué publié vendredi, l’association des Directeurs techniques nationaux (AsDTN).

Projet contesté

Le gouvernement a présenté, en septembre 2018, son projet de supprimer les 1 600 postes de CTS en les transférant aux fédérations sportives. La façon dont il devrait s’y prendre a été décrite dans une « lettre blanche » du ministère des sports, que s’est procurée Le Monde début avril : ces « chevilles ouvrières du sport français », comme ces cadres sportifs sont souvent qualifiés, devront passer progressivement, et sur la base du volontariat, sous la tutelle des différentes fédérations d’ici à 2025.

Un « détachement d’office immédiat » de ces agents du ministère vers les fédérations sportives « est écarté au profit d’une mise en œuvre progressive et sur la base du volontariat », précise le document de travail du ministère. L’objectif est de parvenir à 50 % des CTS « détachés » dans les fédérations d’ici à 2025. Leur détachement ne deviendrait obligatoire qu’à partir de cette date.

Si le projet provoque la colère des cadres sportifs, trente-quatre présidents de fédérations olympiques, soit la quasi-totalité, ont également écrit, mi-avril, à la ministre des sports, Roxana Maracineanu, pour lui demander de maintenir le statut des cadres d’Etat qui interviennent dans leurs structures au moins jusqu’en 2024.

La commission olympique et paralympique, composée des présidents de fédérations olympiques, a quant à elle déclaré, fin avril, qu’elle « s’oppose à l’unanimité aux propositions de détachement des CTS qu’elle estime inappropriées ».

Un rapport de l’inspection générale de la jeunesse et des sports, remis en novembre 2018 à Roxana Maracineanu, avait par ailleurs recommandé « d’écarter tout scénario de rupture » immédiate, « dans le contexte de la préparation des équipes de France aux JOP [Jeux olympiques et paralympiques] de Tokyo 2020 et de Paris 2024 ».

« Malgré le courrier des présidents de fédérations refusant le détachement des CTS, malgré le rapport des inspecteurs généraux mettant en garde contre leur décalage, malgré l’action des 400 sportifs de haut niveau vers le Président, malgré le courrier des 1 300 CTS, la ministre poursuit l’œuvre de destruction de son ministère », déplore l’AsDTN.