Les photographes africains, grands absents des Rencontres d’Arles
Les photographes africains, grands absents des Rencontres d’Arles
Par Roxana Azimi
Le festival français, qui fêtera ses 50 ans en juillet, peine à intégrer durablement la production artistique du continent dans sa programmation.
Un œuvre de la photographe sud-africaine Zanele Muholi exposée à la Biennale de Venise, en Italie, le 8 mai 2019. / TIZIANA FABI / AFP
Les Rencontres d’Arles fêteront en juillet leur demi-centenaire avec pas moins de 50 expositions de photographes. Des historiques, des émergents, des Français, des Britanniques, des Allemands, des Espagnols, des Américains, des Japonais… A ce banquet, il y a toutefois un absent de taille : l’Afrique.
« Des Noirs en sujets, mais aucun derrière l’objectif, pas même un Gordon Parks [photographe et militant afro-américain] en alibi », s’étonne Anna-Alix Koffi, éditrice de la revue Something We Africans Got, qui rappelle au passage que « la photographie est pourtant le premier médium d’expression artistique en Afrique » et qu’il y a sur le continent « énormément de photographes de qualité ».
L’Afrique compte en effet trois festivals de photo réputés : les Rencontres de Bamako, au Mali, Addis Foto Fest, en Ethiopie, et LagosPhoto, au Nigeria. La Maison européenne de la photographie, à Paris, a d’ailleurs pris la mesure de ce foisonnement et prévoit, d’ici à 2021, des expositions du Marocain Hassan Hajjaj, de la Sud-Africaine Zanele Muholi et du Camerouno-Nigérian Samuel Fosso.
Mépris ou méprise ?
Arles sait pourtant se mettre au diapason de l’Afrique, comme le festival a pu le montrer en 2016. Un hommage au Malien Malick Sidibé, décédé cette année-là, y avait été organisé, de même qu’une exposition intitulée « Swinging Bamako » (sur le groupe de musique Las Maravillas de Mali), mais aussi une présentation par l’artiste éthiopienne Aida Muluneh de l’Ougandaise Sarah Waiswa (laquelle avait décroché dans la foulée le prix Découverte des Rencontres), une monographie de Zanele Muholi et une exposition piquante sur l’influence de Nollywood, la prospère industrie cinématographique nigériane, sur la photographie contemporaine.
Et depuis ? Plus rien ou presque. Comme si l’Afrique ne méritait d’apparaître que de façon saisonnière. Mépris ou méprise ? « Je n’ai pas reçu de projets cette année, je n’en ai peut-être pas non plus cherché car cela ne cadrait pas avec nos thématiques, justifie timidement Sam Stourdzé, patron des Rencontres depuis 2014. On est conscient du dysfonctionnement, qui vaut aussi pour l’Amérique latine, à l’honneur l’an dernier. Notre problème, c’est qu’on n’a pas réussi à identifier sur le continent africain des relais prospectifs. On tourne en vase clos, avec toujours les mêmes personnes. »
« Créer de vrais ponts »
Depuis le lancement, il y a deux ans, des bourses de recherche curatoriales, seuls trois des cent projets reçus ont concerné l’Afrique. « Aucun n’était porté par des Africains, mais par des Européens ou des Américains », précise Sam Stourdzé.
Pour remédier à ce manque et en prévision de la saison culturelle « Afrique 2020 » en France, les Rencontres d’Arles lancent cet été, en partenariat avec l’Institut français, deux nouvelles bourses de recherche curatoriales de 5 000 euros chacune, spécifiquement destinées au continent. « On veut pérenniser ces bourses au-delà de la saison “Afrique 2020”, pendant au moins trois à cinq ans, afin d’éviter que l’Afrique soit présente une année, puis plus du tout l’année suivante, poursuit Sam Stourdzé. On veut créer de vrais ponts, et pas des “one shot” façon carte postale. »
Et de promettre pour 2020 « de gros projets », notamment une programmation commune spectacles vivants et arts plastiques avec le Festival de danse de Marseille, focalisé sur trois villes africaines dont Maputo, au Mozambique. A suivre.