Réuni jeudi 16 juin, le conseil d’administration de Paris Habitat, un des plus importants organismes HLM de France avec ses 122 000 logements, a acté le « départ volontaire » de son directeur, Stéphane Dambrine. Départ qui prendra effet le 13 juillet. Les administrateurs ont approuvé à la quasi-unanimité – à l’exception du représentant de Droit au logement – l’accord de rupture conventionnelle qui permet à Paris Habitat de se défaire de M. Dambrine en lui versant une indemnité certes généreuse mais, selon Roger Madec, conseiller de Paris (PS) et président de Paris Habitat, « moitié moindre par rapport à celle de 600 000 euros prévue à son contrat de travail, soit trente mois de salaire ».

« Enquête interne »

En réalité, il s’agit de l’éviction, plutôt brutale, de ce directeur arrivé en 2011 à l’initiative de l’équipe de Bertrand Delanoë, alors maire de Paris, et venu de Valophis, organisme HLM du conseil général du Val-de-Marne. M. Dambrine s’en va après plusieurs mois d’attaques, par médias interposés, sur les avantages et salaires accordés à l’équipe dirigeante de 31 directeurs et chargés de mission, sur la présence, dans les logements, de hauts fonctionnaires dont les revenus dépassent largement les plafonds, comme l’a révélé Le Parisien, sur des surfacturations de travaux par la régie interne et l’achat pour 130 000 euros de meubles de bureau d’abord disparus puis retrouvés, comme l’a raconté Marianne.

Ian Brossat, adjoint (PC) au maire de Paris chargé du logement, prévenait dans un entretien accordé le 4 juin à Radio Protestante : « Si ces faits sont avérés ils sont profondément scandaleux et nous allons mener une enquête interne pour vérifier ces affaires, et si c’est nécessaire aller en justice. » Sans attendre le résultat de l’enquête qu’il appelait de ses vœux, il annonçait aussi : « Nous allons changer le directeur de Paris Habitat et ce sera réalisé le 16 juin. »

Pour Roger Madec, « M. Dambrine est un bon professionnel, reconnu de tous, mais la confiance était rompue et il nous fallait trouver un accord ». La forme choisie, la rupture conventionnelle, permet non seulement d’éviter une aléatoire et coûteuse procédure de licenciement mais surtout d’avoir à réunir une majorité des deux tiers du conseil d’administration pour l’approuver, chose difficile pour M. Brossat. Celui-ci reconnaissait, toujours au micro de Radio Protestante, ne disposer, pour les élus de la Ville, que de six sièges sur vingt-deux, les autres membres étant des personnes qualifiées – dont certaines nommées par la municipalité –, des représentants des locataires et des syndicats, comme le prévoit le code de la construction. Les offices publics ont, en effet, une autonomie de gestion et les maires n’y ont pas tous les pouvoirs.

Climat délétère

La question du remplacement de M. Dambrine reste cependant entière et s’ouvre une période d’incertitude, avec un probable intérim. Selon nos informations, des candidats ont déjà été auditionnés : Frédérique Lahaye, conseillère de Manuel Valls sur les questions de logement, venue du cabinet de Bertrand Delanoë et de la Ville de Paris, a été pressentie mais aurait refusé. La mairie cherche non seulement des compétences de gestionnaire et de manageur mais aussi de chasseur de coûts et de « nettoyeur » : le train de vie de Paris Habitat, avec ses 31 directeurs et chargés de mission, ses fauteuils design à 4 000 euros pièce dans le hall d’entrée, irrite la maire de Paris qui cherche à faire des économies.

En interne, le climat est devenu délétère, plusieurs directeurs se sentant sur la sellette et dénoncent « une chasse aux sorcières ». Le syndicat de salariés Supap-FSU dénonce, lui, une « purge de la direction générale. Nous sommes victimes d’une campagne médiatique ordurière et montrés du doigt », s’insurge Mohamed Hellal, représentant de ce syndicat. « Des locataires affichent ces articles dans les halls d’immeubles et nous traitent de fainéants, de voleurs… ».

Un autre point de tension entre la ville et son office concerne la gestion des plus de 5 000 commerces qui lui appartiennent et lui rapportent 60 millions d’euros de loyers par an. La ville a le projet d’en reprendre le contrôle par l’intermédiaire d’une filiale ou d’un groupement d’intérêts économiques (GIE), et peut-être d’en conserver la recette pour son budget.