FRANCE INTER - PODCAST. À LA DEMANDE

Elle fut et reste, incontestablement et quelles que soient, ou presque, les générations et les étiquettes politiques, l’une des femmes les plus respectées du XXe siècle. Elle, c’est Simone Veil, née en 1927, morte en 2017 et entrée au Panthéon l’année suivante. Mais que disent ces dates de cette femme que tous ceux et celles qui l’ont connue qualifient de généreuse et modeste, exigeante et digne, et, aussi, très belle ? Bien peu de chose, eu égard à ce qu’elle réalisa et représente encore aujourd’hui ; aussi, faut-il saluer l’initiative de Laure Adler qui vient de lui consacrer cinq « Heure bleue », titre de son émission sur France Inter.

Chacun des épisodes se propose de revenir sur un aspect de la vie et du parcours de Simone Veil en compagnie d’un invité, sauf le premier, dans lequel, magie des archives de l’INA, c’est Simone Veil elle-même qui se donne à entendre pour évoquer sa jeunesse. Elle y parle de la déportation, et de l’humiliation quand on veut la réduire à un matricule : 78651 était le sien. Et il faut l’entendre dire les choses comme elles sont : le bol de soupe que l’on tente de voler à sa mère (qui mourra au camp de Bergen-Belsen en mars 1945), le typhus, la déchéance. Dans le deuxième épisode, c’est Serge Klarsfeld qui évoque celle qu’il rencontra pour la première fois en 1978, après avoir publié Le Mémorial de la déportation des juifs de France, dans lequel l’avocat et historien recense les nom, prénom, date et lieu de naissance de chacun des 74 182 Juifs déportés. C’est de lui que Simone Veil apprendra le sort de son père et de son frère, morts en déportation.

La parole est ensuite laissée à Annick Cojean, laquelle, grand reporter au Monde, a eu l’occasion de l’interviewer à de nombreuses reprises. Elle rappelle combien cette femme, à l’allure un peu bourgeoise et conformiste, fut pourtant, et avec quels courage et talent, la « combattante de tous les droits des femmes » : qu’il s’agisse d’adoption, d’avortement, de pilule et de parité. Il faut se rappeler comment, le 26 novembre 1974, alors ministre de la santé, Simone Veil monta à la tribune de l’Assemblée nationale pour défendre la légalisation de l’avortement en France. Quarante minutes de discours, quarante minutes qui bouleverseront la vie des femmes.

Européenne convaincue

Le quatrième épisode est emmené par Robert Badinter. Avec une énergie qui force le respect, l’ancien garde des sceaux se souvient de l’Européenne convaincue que fut Simone Veil, qui œuvra pour la réconciliation franco-allemande. « Si je m’engage aussi pleinement sur la question de l’Europe, c’est pour tirer la leçon de mon passé et en pensant à l’avenir de la France », disait-elle. Et c’est bien de passé comme d’avenir dont il est question dans le cinquième épisode. Les archives, tout comme le témoignage de l’historienne Annette Wieviorka, rappellent le souci qu’avait Simone Veil de transmettre. Elle le fit notamment dans Une vie (Stock, 2007), dont Sandrine Bonnaire, en préambule de chacun des cinq épisodes, lit de très larges extraits. Entre les mots d’hier et la parole d’aujourd’hui s’intercale aussi un morceau de musique, comme cette berceuse merveilleuse chantée en yiddish : Amol iz geven a mayse, soit « Il était une fois une histoire ». De celle-ci, il faut vraiment se souvenir, ce qui rend ce podcast aussi précieux que nécessaire.

« L’Heure bleue », émission présentée par Laure Adler sur France Inter (5 x 55 minutes), disponible en podcast.