Revers pour Philippe Martinez, au troisième jour du congrès de la CGT
Revers pour Philippe Martinez, au troisième jour du congrès de la CGT
Par Raphaëlle Besse Desmoulières, Michel Noblecourt
Un amendement a été adopté contre l’avis de la direction, mercredi, au troisième jour du congrès qui doit réélire le secrétaire général sortant vendredi.
C’est un revers qu’a subi, mercredi 15 mai, la direction sortante de la CGT, au troisième jour du congrès de la centrale qui se tient jusqu’à vendredi à Dijon. Le sujet est symbolique mais loin d’être neutre : il s’agit de la Fédération syndicale mondiale (FSM), l’internationale syndicale communiste que la CGT a quittée en 1995. Un hypothétique retour de la confédération dans cette organisation qui compte dans ses rangs des syndicats cubains, nord-coréens ou encore iraniens fait débat en interne.
Tout semblait pourtant sous contrôle en début d’après-midi. C’est dans le cadre des discussions sur la partie internationale du projet de document d’orientation, qui fixe la ligne pour les trois prochaines années, qu’a surgi cette offensive menée par l’union départementale du Val-de-Marne. Alors que certaines structures cégétistes, comme la fédération de l’agroalimentaire ou celle de la chimie, sont membres de la FSM, une minorité de syndicats souhaitent remettre en cause l’appartenance de la CGT à la Confédération européenne des syndicats (CES) et à la Confédération syndicale internationale (CSI).
Laurent Berger sifflé
Le secrétaire général de la CES, Lucas Visentini, et le secrétaire général adjoint de la CSI, Owen Tudor, ont été accueillis poliment par les congressistes, même si des militants ont entonné à l’extérieur de la salle L’Internationale, une marque de provocation face à des organisations jugées réformistes. Le nom de Laurent Berger, le numéro un de la CFDT, qui s’apprête à prendre la présidence de la CES lors du congrès de l’organisation européenne la semaine prochaine à Vienne, a, lui, été à plusieurs reprises sifflé lorsqu’il a été mentionné.
Des délégués ont alors proposé un amendement pour que la CGT obtienne « un statut d’observateur à la FSM » ou encore « une double affiliation » à l’Internationale communiste et à la CSI. D’autres ont défendu l’idée de rajouter « et à la FSM » à la fin du texte :
« Pour la CGT, il s’agit de rechercher constamment l’échange et l’unité avec toutes les organisations syndicales possibles, affiliées ou non à la CES et à la CSI. »
Mais certains délégués ont déploré la confiscation du débat par l’appareil. C’est « incompréhensible », « intolérable », a assené l’un d’entre eux à la tribune tandis que la salle scandait « le débat, le débat, le débat ! ». Au nom de la direction, Boris Plazzi a répondu que « la CGT n’observe pas, elle agit », entretenant une ambiguïté sur la nature du vote à mains levées qui allait suivre. Quant à la future présidence de la CES pour M. Berger, il a assuré que « c’est un titre honorifique, symbolique ».
Confusion
Très vite, la confusion s’est installée, les délégués ne sachant pas forcément sur quoi ils devaient se prononcer. Un premier vote a pu laisser penser que le statut d’observateur à la FSM avait été entériné. Après une longue suspension de séance au cours de laquelle le bureau du congrès s’est réuni en urgence, un second vote a dû être organisé. Et c’est donc contre l’avis de la direction que l’amendement ajoutant la mention de la FSM a été largement adopté par 469 voix contre 294 et une centaine d’abstentions.
Pour Philippe Martinez, c’est un désaveu. Lors d’une rencontre avec les journalistes de l’Association des journalistes de l’information sociale le 7 mai, il avait clairement pris position contre tout rapprochement avec la FSM. S’il avait reconnu qu’un débat existait en interne sur les liens avec cette organisation, il l’avait qualifié d’« ultra-minoritaire ». « Je ne pense pas que la FSM soit une organisation de masse, une organisation démocratique, mais c’est ma vision », avait-il ajouté.
Cet épisode illustre à nouveau les difficultés auxquelles est confronté M. Martinez, qui doit cependant être réélu vendredi. Le rapport d’activité, c’est-à-dire le bilan de la direction sortante, a été adopté mardi mais avec une opposition substantielle et une légère abstention par rapport au précédent congrès de Marseille en 2016 : parmi les votants 70,96 % se sont prononcés pour, 29,04 % contre ; 15,34 % des délégués se sont pour leur part abstenus.