C’est une page qui se tourne pour les compagnies d’assurances. La rente de situation de l’assurance-vie, produit rendu très attrayant par ses nombreux avantages fiscaux, pourrait en effet pâtir de la réforme de la « flat tax » portée par le gouvernement. Ce prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30 % sur les revenus du capital, qui doit entrer en vigueur en 2018, conformément au programme de campagne d’Emmanuel Macron, va pénaliser les Français qui détiennent les contrats les plus fournis.

Si les assureurs espèrent encore une évolution de la mesure au cours des discussions parlementaires sur le projet de loi de finances pour 2018, ils redoutent un bouleversement pour ce produit d’épargne populaire en France (54 millions de contrats d’assurance-vie pour un encours de plus de 1 600 milliards d’euros).

La « flat tax » n’aura pas d’incidence sur les « petits contrats », ceux de moins de 150 000 euros, qui continueront de bénéficier d’un taux réduit d’imposition de 23 % après huit ans de détention. En revanche, le PFU s’appliquera aux revenus générés par les nouveaux versements au-delà du seuil de 150 000 euros. La taxation des « gros contrats » sera donc alourdie, au-delà de huit ans de détention, de 23 % à 30 %.

« Pour les clients qui ont déjà placé plus de 150 000 euros sur leurs contrats d’assurance-vie ou qui sont proches de ce seuil, on s’attend à une interruption importante des nouveaux flux. Cela peut créer un trou d’air pour les compagnies », met en garde un assureur français.

Jusqu’à 7 millions de Français pénalisés

La Fédération française de l’assurance (FFA), opposée à cette réforme, a fait ses calculs. Elle a recensé 1,6 million de contrats de plus de 150 000 euros. Mais, partant du constat que les clients détiennent en moyenne trois contrats d’assurance-vie et que plus de 5 millions de contrats atteignent ou dépassent 70 000 euros d’encours, le lobby des assureurs estime qu’entre 5 millions et 7 millions de Français pourraient être pénalisés par la « flat tax ».

Pour Cyrille Chartier-Kastler, président du cabinet de consultants de Facts & Figures, la réforme de la fiscalité de l’assurance-vie devrait particulièrement peser sur les contrats en unités de compte (UC), des supports plus risqués que les fonds en euros, car investis pour partie en actions. « A l’avenir, lorsqu’un client voudra investir en actions, la fiscalité sera la même qu’il utilise un contrat d’assurance-vie en UC ou un compte-titres. Or, en assurance-vie, les frais s’additionnent, alors qu’ils sont très limités sur un compte-titres souscrit par exemple chez une banque en ligne », précise-t-il.

Les fonds en euros pourraient également être déstabilisés. « La “flat tax” n’incitera pas les clients à investir sur le long terme, contrairement à la fiscalité actuelle. Si les clients peuvent sortir à tout moment de leurs contrats, nous devrons investir davantage sur des produits de court terme, ce qui va encore faire baisser les rendements », déplore Sonia Fendler, membre du comité exécutif de Generali France, chargée de la clientèle patrimoniale.

La pression des assureurs n’a, à ce stade, pas fait reculer le gouvernement d’Edouard Philippe. Et pour cause : la « flat tax » vise justement à insuffler plus de concurrence entre les produits de placement, pour encourager l’investissement direct dans les entreprises.