Dopage : des sénateurs s’inquiètent pour l’organisation des contrôles en France
Dopage : des sénateurs s’inquiètent pour l’organisation des contrôles en France
Par Clément Guillou
Deux sénateurs demandent au ministère des sports une inspection générale sur l’évolution du dispositif des Cirad, des agents de la lutte antidopage.
Roxana Maracineanu a été saisie d’une demande d’inspection sur le redéploiement des Cirad, des agents de la lutte antidopage. / LUDOVIC MARIN / AFP
C’est un dossier de plus sur la pile de Roxana Maracineanu, déjà accaparée par la fronde des conseillers techniques et sportifs (CTS), le douloureux accouchement de l’Agence nationale du sport et la préparation d’une nouvelle loi sur le fonctionnement du sport français.
Mercredi 22 mai, la ministre des sports a été saisie par les sénateurs Marie-George Buffet (PCF) et Jean-Jacques Lozach (PS) d’une demande d’enquête de l’inspection générale sur le nouveau dispositif des Cirad (conseillers interrégionaux antidopage), des fonctionnaires du ministère jadis responsables de l’organisation de la lutte antidopage.
Depuis le 1er mars, les Cirad sont, pour ceux qui l’ont accepté, mis à disposition de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) pour une organisation centralisée des contrôles ; ils étaient auparavant organisés par région et sous la responsabilité des directeurs régionaux des sports, en lien avec l’AFLD.
Dans un courrier dont Le Monde a obtenu copie, les deux sénateurs demandent à la ministre « de saisir l’inspection générale de la jeunesse et des sports pour une mission de contrôle ou d’enquête afin d’évaluer les conditions de l’évolution du dispositif des Cirad et de leur statut, ainsi que leur nouveau périmètre d’action ».
Mme Buffet et M. Lozach estiment que le dispositif, mis en place entre 2014 et 2018, montait en puissance et délivrait des « résultats significatifs, tant au niveau des démantèlements de réseaux de trafics de produits dopants qu’au regard du nombre de contrôles antidopage diligentés ». L’efficacité du dispositif était saluée par le ministère, même si elle était très dépendante de l’implication personnelle des Cirad.
La moitié des Cirad ont refusé leur transfert
Dans un audit réalisé au printemps 2018, l’Agence mondiale antidopage (AMA) a demandé à l’AFLD de modifier le statut de ces agents, estimant que l’Etat était en mesure, par ce lien hiérarchique, de protéger certains sportifs français – bien qu’aucun élément n’indique que cela ait été le cas.
L’AFLD, qui n’était pas satisfaite du travail de tous les Cirad, a saisi cette opportunité pour en récupérer la mainmise et renouveler les effectifs, désormais placés sous les ordres du directeur des contrôles, Damien Ressiot. Depuis le 1er mars, les quatre Cirad de métropole ayant accepté ce nouveau dispositif travaillent à mi-temps à l’organisation des contrôles.
A la demande de l’AMA, ces contrôles ne sont plus organisés de manière géographique mais par discipline. Le reste du temps, les agents du ministère organisent dans leur région les commissions de lutte contre les trafics.
Quatre autres Cirad organisent les contrôles sous la direction de l’AFLD en Réunion, Guadeloupe, Guyane et Martinique – régions ne représentant qu’une quantité infinitésimale des contrôles.
Les huit autres Cirad de métropole ont cessé de mettre sur pied des contrôles et se sont recentrés sur d’autres missions antidopage – renseignement, lutte contre les trafics et formation.
L’AFLD satisfaite du nouveau dispositif
Contactée, l’AFLD défend la réforme du dispositif et se dit attachée à l’existence des Cirad, dans leur rôle de renseignement et coordination de la lutte contre les trafics.
« Nous observons que le dispositif actuel, plus resserré, permet une meilleure coordination et de sortir d’une logique principalement territoriale pour aller vers un meilleur suivi des disciplines et sportifs de haut niveau, conformément à la réorientation de notre politique de contrôle, désormais plus conforme aux standards internationaux. (…) Les contrôles sont organisés conformément au programme prévu, mais la situation reste tendue. »
En l’état, le ministère des sports ne voit pas de raison de remettre en cause ce nouveau dispositif : « L’objectif est d’accompagner la réforme, suite aux demandes de l’AMA de rendre indépendante la mission de contrôle. Nous nous y sommes engagés. Les missions des Cirad ne sont pas changées, c’est simplement un changement d’autorité hiérarchique. »
Jean-Jacques Lozach, rapporteur en 2013 d’une commission d’enquête sénatoriale qui avait donné naissance aux Cirad, estime à l’inverse « que l’on vient fragiliser, déstabiliser un dispositif qui constitue un maillon décisif de la lutte antidopage et de son efficacité ».
Le sénateur de la Creuse juge par ailleurs « insuffisante » la concertation préalable à ce redéploiement et réclame la publication de l’audit réalisé par l’AMA, qui a présidé à cette décision.
Le dispositif actuel est transitoire et doit être concrétisé en 2020. Les sénateurs espèrent qu’une enquête de l’inspection générale sera faite à temps pour empêcher la pérennisation de ce dispositif.
Encore faut-il pour cela que la ministre accepte de diligenter une telle inspection qui pourrait provoquer un retour en arrière. Mercredi après-midi, Roxana Maracineanu n’avait pas encore pris connaissance du courrier des sénateurs, dit-on au ministère. La veille, la ministre avait annoncé une pause dans le processus de détachement d’office des CTS aux fédérations sportives. Un dossier, pour elle, autrement plus brûlant que celui des Cirad.