Trois Français condamnés à mort en Irak pour avoir rejoint les rangs de l’Etat islamique
Trois Français condamnés à mort en Irak pour avoir rejoint les rangs de l’Etat islamique
Le Monde.fr avec AFP et Reuters
Si un djihadiste français était condamné à mort en Irak ou en Syrie, « l’Etat français interviendrait, en négociant avec l’Etat en question », avait déclaré la ministre de la justice le 28 janvier.
Bagdad, qui a déjà condamné plus de 500 étrangers – hommes et femmes – pour appartenance à l’EI, s’est proposé de juger également le millier d’étrangers actuellement aux mains des Kurdes en Syrie. / Felipe Dana / AP
Trois Français, Kévin Gonot, Léonard Lopez et Salim Machou, ont été condamnés à mort pour appartenance à l’organisation Etat islamique (EI), a déclaré, dimanche 26 mai, un magistrat de la cour de Bagdad qui les a jugés. Les trois hommes ont été arrêtés en Syrie par une alliance arabo-kurde anti-EI avant d’être transférés avec neuf autres Français en Irak en février. Selon la loi irakienne, ils ont trente jours pour faire appel.
Dans l’hypothèse où un ou des djihadistes français étaient condamnés à mort en Irak ou en Syrie, « l’Etat français interviendrait, en négociant avec l’Etat en question », avait déclaré le 28 janvier Nicole Belloubet. La ministre de la justice précisait que « ce serait un traitement au cas par cas ».
Trois condamnations à la prison à perpétuité
Jusqu’ici, trois Français ont déjà été reconnus coupables d’avoir rejoint l’EI en Irak : Mélina Boughedir, 27 ans, Djamila Boutoutaou, 28 ans et Lahcène Gueboudj, 58 ans, ont tous été condamnés à la prison à perpétuité, ce qui équivaut à vingt ans de détention en Irak.
Kévin Gonot, 32 ans, est né à Figeac dans le sud-ouest de la France. Il a été arrêté en Syrie avec son demi-frère Thomas Collange, 31 ans, sa mère et son épouse, une nièce des frères Fabien et Jean-Michel Clain qui ont revendiqué les attentats de novembre 2015, avant d’être tués récemment en Syrie. Kévin Gonot affirme que son père, qui avait également rejoint l’EI selon ses « aveux » publiés par la justice irakienne, a été tué à Rakka, ancienne « capitale » de l’EI en Syrie.
Entré illégalement en Syrie via la Turquie selon ses dires, il a d’abord rejoint le Front Al-Nosra (ex-branche d’Al-Qaida en Syrie) avant de prêter allégeance au « calife » de l’EI Abou Bakr Al-Baghdadi. Celui qui se faisait appeler Abou Sofiane au sein de l’EI a précisé avoir été blessé au ventre lors de la bataille de Kobané, en Syrie, en 2015.
Il a assuré au juge avoir ensuite été transféré à Mossoul, la « capitale » de l’EI en Irak de 2014 à 2017 pour y être hospitalisé et non pour y combattre. En France, il a déjà été condamné en son absence à neuf ans de prison, selon le Centre d’analyse du terrorisme (CAT) à Paris.
« Justice expéditive »
Léonard Lopez, Parisien de 32 ans converti à l’islam, a répondu aux questions du juge en arabe lors de l’audience de dimanche, après quatre mois d’interrogatoires, sur la base desquels la cour a rendu son jugement. A Paris, son avocat Me Nabil Boudi, a dénoncé une « justice expéditive ». « On condamne à la peine capitale un ressortissant français, sur la base uniquement d’une série d’interrogatoires passés dans des geôles de prison à Bagdad », a-t-il affirmé.
« Le ministère des affaires étrangères nous avait pourtant garanti que les Français auraient tous droit à un procès équitable même en Irak », a-t-il encore dit alors que les défenseurs des droits humains dénoncent « de vrais risques de torture » et « aucune garantie pour des procès équitables ».
Léonard Lopez a fait partie au début des années 2000 des plus actifs sur le site djihadiste francophone de référence d’alors, Ansar Al-Haqq. En juillet 2015, sous contrôle judiciaire pour son activité sur ce site, Léonard Lopez est parti avec sa femme et leurs deux enfants. D’abord à Mossoul, dans le nord de l’Irak, puis en Syrie, selon les enquêteurs français.
Condamné en son absence en juillet 2018 à cinq ans de prison dans le dossier Ansar Al-Haqq, celui qui se faisait appeler Abou Ibrahim Al-Andaloussi au sein de l’EI est sous le coup d’un mandat d’arrêt.
Mais il est surtout connu des services de renseignement pour avoir cofondé l’association Sanabil, dissoute par le gouvernement français fin 2016, car elle contribuait sous couvert d’aide aux détenus à radicaliser des prisonniers.
Salim Machou, 41 ans, a appartenu à la brigade Tariq Ibn Ziyad, une unité de l’EI menée par un ancien légionnaire français, Abdelilah Himich, selon le CAT.
Cette « cellule de combattants européens, vivier d’auteurs d’attaques en Irak, en Syrie et à l’étranger », a compté jusqu’à « 300 membres », affirment les autorités américaines.
Salim Machou a, rapporte le CAT, hébergé à Rakka Jonathan Geffroy, un Français capturé en Syrie et remis à la justice française qui a fait de nombreuses révélations, notamment sur les frères Clain.
Neuf autres Français doivent encore être jugés en Irak. Il s’agit de Fodil Tahar Aouidat, Mustapha Merzoughi, Yassine Sakkam, Karam El-Harchaoui, Vianney Ouraghi, Brahim Nejara, Bilel Kabaoui, Mohammed Berriri et Mourad Delhomme.
Récemment, Bagdad, qui a déjà condamné plus de 500 étrangers – hommes et femmes – pour appartenance à l’EI, s’est proposé de juger également le millier d’étrangers actuellement aux mains des Kurdes en Syrie. L’Irak demande pour cela à leurs Etats d’origine une somme de deux millions de dollars par personne.