Le PDG d’Apple, Tim Cook, après sa présentation à la Worldwide Developers Conference à San José, lundi 3 juin. / JEFF CHIU / AP

Le changement n’a pas été annoncé avec tambours et trompettes. Il n’a même pas été présenté par Tim Cook, le président-directeur général d’Apple, lors de la conférence des développeurs qui s’est déroulée lundi 3 juin, et durant laquelle l’entreprise a présenté plusieurs nouveautés. Et pourtant, c’est une modification majeure qu’a apportée Apple aux règles qu’elle impose aux développeurs d’applications qui veulent utiliser sa plate-forme de vente : elles précisent désormais que les jeux et les applications destinés aux enfants ne pourront pas « inclure des publicités ou des outils de suivi externes ».

En clair, les jeux et applications éducatives qui veulent être classés dans la catégorie « enfants » du magasin ne pourront plus utiliser les très nombreux outils qui enregistrent des données sur leurs utilisateurs. Ces outils peuvent prendre la forme de mouchards publicitaires, de services d’analyse statistique, ou de suivi de la navigation ; les données collectées sont transmises à des entreprises tierces, qui peuvent être aussi bien des géants du Web que des start-up ou des régies publicitaires.

Et les « mouchards tiers » sont omniprésents dans les applications mobiles. Une enquête récente du Wall Street Journal montre que sur 80 applications recommandées par Apple, 79 en contenaient. Y compris les applications destinées aux enfants, alors que la loi américaine, les textes européens et les règles d’utilisation d’Apple, comme celles de Facebook et Google, interdisent théoriquement la collecte de données sur les mineurs de moins de 13 ans.

Des mouchards omniprésents

Les règles d’Apple en matière de vie privée étaient déjà beaucoup plus strictes pour les applications de la catégorie « enfants », lancée en 2013. Mais l’interdiction des mouchards tiers, si elle peut sembler technique, marque un premier pas important dans la lutte contre ces outils, dénoncés depuis des années par les défenseurs du droit à la vie privée. L’an dernier, une enquête de l’ONG Privacy International avait montré qu’une poignée d’entreprises inconnues du grand public collectaient, grâce à ces mouchards tiers, des quantités astronomiques de données sur les internautes. Et le projet « Exodus », qui analyse les mouchards présents dans les applications grand public, avait démontré l’omniprésence de ces logiciels dans les applications mobiles, tant sur iOS que sur Android.

En interdisant ces outils dans les applications destinées aux enfants, Apple donne un premier signal indiquant que ces mouchards posent d’importants problèmes. Reste à savoir avec quelle sévérité les règles seront appliquées : comme le montrait le Wall Street Journal, certaines applications ne respectent pas à la lettre les consignes d’Apple, sans être toujours sanctionnées. Et le durcissement des règles annoncé ne concerne pour l’instant que les applications qui souhaitent apparaître dans la catégorie « enfants » du magasin d’application en ligne, et non toutes les applications utilisées par les mineurs. La très populaire application Tik Tok, majoritairement utilisée par des enfants et des adolescents, n’est ainsi pas concernée – elle apparaît dans la catégorie « photo et vidéo » de l’App Store. Elle comporte pourtant douze mouchards différents, selon l’analyse du Projet « Exodus ».