Les manettes de Stadia, la plate-forme de jeux de Google, dévoilée jeudi 6 juin. / Google

Trois mois après avoir en avoir posé les bases, Google a finalement dévoilé, jeudi 6 juin, les détails de sa future plate-forme de jeux vidéo : Stadia. Accessible en novembre, Stadia donnera accès, à son lancement, à une trentaine de jeux plus ou moins récents, qu’il faudra pour la plupart acheter à l’unité – en plus de l’abonnement au portail « Stadia Pro », prévu à 9,99 euros par mois, et de l’éventuel achat d’une manette et d’une Chromecast, permettant de jouer à un jeu diffusé depuis Internet sur une télévision.

Ces annonces de Google ont été faites sur YouTube, à trois jours des premières conférences du plus gros salon annuel du jeu vidéo, l’E3 2019 de Los Angeles. Si le géant d’Internet n’y sera pas officiellement présent, Google profite bien de l’occasion de cet E3 pour se placer aux côtés des acteurs historiques du secteur, avec une première offre de jeux vidéo fondée sur le « jeu en nuage » (cloud gaming).

Accessible sur plusieurs écrans

Selon les informations présentées au Monde la veille des annonces, mercredi 5 juin, Stadia a tout d’un modèle hybride. Ce ne sera pas vraiment une console, ni un PC, mais on pourra lancer un jeu sur son ordinateur, ou avec une manette Stadia devant sa télé. On ne pourra pas y jouer partout, tout le temps, comme avec une Nintendo Switch. Mais il s’agit d’un dispositif potentiellement nomade, accessible sur plusieurs écrans (télé, ordinateur, smartphone ou tablette) capables d’afficher le flux en provenance des serveurs de Google.

Le service sera accessible en novembre 2019 dans quatorze pays occidentaux, dont la France, le Canada, les Etats-Unis, la Belgique, le Royaume-Uni et l’Allemagne. D’autres pays devraient rapidement suivre, le projet étant conçu pour être déployé dans le monde entier.

Un pack de lancement, le « Stadia Founder’s Edition », peut être précommandé dès maintenant sur le Google Store pour 129 euros. Avec ce pack, les premiers acheteurs recevront chez eux en novembre une manette Stadia, et un dispositif Chromecast Ultra, permettant de diffuser un flux Internet sur une télévision avec une prise HDMI. Cette manette et cette Chromecast Ultra, qui peuvent aussi s’acheter séparément (la manette Stadia coûtera 69 euros seule), seront les seuls éléments fournis côté matériel.

Stadia ne sera pas vraiment une console, ni un PC, mais on pourra y jouer sur son ordinateur ou avec une manette devant sa télé. / Google

Les personnes qui souhaiteront jouer à Stadia sans acheter ce pack pourront cependant se connecter au service depuis leur ordinateur, ou avec un autre appareil disposant du navigateur Chrome. Google précise au Monde que dès le lancement les jeux achetés sur Stadia seront jouables sur PC connectés à une manette d’une autre marque, ou en utilisant le duo classique clavier-souris.

Une connexion fibre à prévoir

Ces éléments matériels ne seront pas suffisants pour commencer à jouer. Avant cela, il faudra s’assurer d’avoir une connexion Internet robuste. Concrètement, le débit minimum nécessaire pour afficher et jouer à un jeu sur Stadia est de 10 mégaoctets par seconde en vitesse de téléchargement (download), et de 1 mégaoctet par seconde en émission (upload).

Pour profiter d’une qualité maximale du flux vidéo affichant le jeu (en 4K, avec un son 5.1, et 60 images par seconde), la vitesse nécessaire est estimée par Google à 35 mégaoctets descendants par seconde minimum. Une connexion Internet par la fibre apparaît donc obligatoire pour jouer chez soi, de même qu’une (très) bonne 4G sur appareil mobile, sachant qu’un moindre décalage entre le flux de la manette et le flux de l’écran vidéo est de nature à rendre une partie injouable.

« Nous avons testé des dispositifs similaires en 2018 aux Etats-Unis, dont le réseau Internet est moins bon qu’en Europe, avec un très grand nombre de joueurs, il n’y a pas eu de problème du tout », assure au Monde Majd Bakar, l’ingénieur en chef du projet Stadia chez Google. Pour réduire les risques de latence entre l’écran et la manette, Google conseille d’utiliser avec tous les écrans le contrôleur officiel Stadia, qui pourra être directement connecté à Internet par Wi-Fi.

Plutôt Steam que Netflix

En plus d’une bonne connexion Internet, le primo-joueur de Stadia n’aura également pas d’autre choix que de souscrire au forfait « Stadia Pro », pour un prix annoncé à 9,99 euros par mois (offerts pendant trois mois aux acquéreurs du pack de lancement). « Stadia Pro » permettra au joueur d’avoir accès au catalogue de jeux accessibles sur Stadia, qu’il faudra ensuite acheter à l’unité. « Le prix des jeux sera fixé par les éditeurs », explique-t-on chez Google. En novembre, souscrire à « Stadia Pro » sera donc la seule manière de pouvoir… acheter des jeux. Le service « Stadia Base », qui permettra de se connecter gratuitement au catalogue d’achats de jeux sur Stadia, ne sera lui lancé qu’en 2020.

Un modèle qui est davantage comparable à Steam ou aux offres « Xbox Game Pass » ou du « Playstation Now », plutôt qu’à la naissance d’un éventuel Netflix ou Spotify du jeu vidéo sauce Google. Payer 10 euros par mois pour « Stadia Pro » ne permettra pas de jouer, de manière illimitée, à tous les jeux disponibles sur la plate-forme, comme on aurait pu l’attendre.

« Les jeux achetés une fois sur Stadia Pro vous seront ensuite tout le temps accessibles, même si vous ne payez plus l’abonnement et que vous repassez sur Stadia Base », relativise Majd Bakar, de Google. Il met également en avant les jeux qui seront offerts périodiquement pour les membres de l’offre payante « Stadia Pro » (Destiny 2 et toutes ses extensions à la sortie, avant d’autres titres à l’avenir). Ces membres seront aussi les seuls à bénéficier d’une résolution d’affichage en 4K, et de certains rabais sur le catalogue de jeux disponibles.

Une trentaine de jeux annoncés

Au lancement de Stadia, ce catalogue sera cependant limité, et ne rassemblera qu’une trentaine de titres – même si d’autres seront annoncés dans les mois suivants. Google met en avant des partenariats avec la plupart des grands studios et éditeurs de l’industrie ; parmi eux : Bandai Namco, Bethesda, Capcom, Electronic Arts, Rockstar, Square Enix, 2K, Warner Bros, Ubisoft.

On ne sait pas encore, toutefois, quels seront tous les jeux que ces éditeurs vendront sur Stadia à sa sortie. Rockstar – l’éditeur des séries GTA et Red Dead Redemption –, Capcom et Electronic Arts se réservent ainsi la primeur des annonces. Pour les autres éditeurs, Google a dévoilé quelques titres-phares à acheter sur son portail. Des jeux sortis il y a plus ou moins longtemps (Destiny 2, Mortal Kombat 11, Metro Exodus, Assassin’s Creed Odyssey, Farming Simulator 19…) et des nouveautés plutôt attendues dans les mois qui viennent (Baldur’s Gate 3, Rage 2, DOOM Eternal, Wolfenstein : Youngblood, Borderlands 3…).

Les exclusivités Stadia sont, en revanche, quasiment inexistantes. Et Google n’a donné aucun détail sur les productions actuellement préparées en interne. « Cela prend du temps de créer des jeux, nous venons seulement de commencer », temporise Majd Bakar, lorsqu’on lui demande où en sont les projets du studio Stadia Games and Entertainment, dirigé par Jade Raymond, l’ancienne productrice star d’Ubisoft et Elecronic Arts.

Prévu pour les jeux les plus gourmands

A la différence d’un PC ou d’une console de jeu, Stadia se fondera uniquement sur la puissance de calcul et des serveurs de Google pour faire tourner les jeux. Comme avec le PC dématérialisé Shadow, Google promet que son système de « jeu en nuage » permettra de jouer à « des jeux en HD sur tous les écrans de manière instantanée, en un clic, sans temps de chargement, de téléchargement ou de mises à jour à effectuer ». Ceci sans avoir à se préoccuper de la puissance de sa machine, les serveurs de Google étant conçus pour adapter leur puissance pour chaque joueur en fonction des ressources nécessaires à leur jeu.

Quand on lui demande si Stadia sera capable de faire tourner les jeux développés pour les prochaines générations de consoles (la Playstation 4 et la Xbox One arrivant en fin de cycle), Majd Bakar précise seulement : « On trouvera toujours le moyen d’ajouter de la puissance sur nos serveurs pour faire tourner les jeux. » Microsoft et Sony sont prévenus.

Ivresse énergétique

Mais ce fonctionnement n’est pas sans poser question, en premier lieu celle du bilan énergétique, alors que Stadia est de nature à faire exploser la consommation des serveurs de Google. « Nous sommes meilleurs avec ce modèle qu’avec celui reposant sur une console physique. Il n’y a pas de plastique, pas de composants chez soi. Pour fonctionner, une Chromecast n’a besoin que de quelques watts de puissance électrique, et non plusieurs centaines comme pour un PC de jeu », assure Madj Bakar.

Conscient de cet enjeu, Google a opportunément publié un communiqué à la veille des annonces Stadia, pour indiquer que ses serveurs ont tourné avec 100 % d’énergie renouvelable en 2018. Il n’en reste pas moins que le modèle de Stadia va à contre-courant des appels d’organismes indépendants appelant à davantage de « sobriété numérique » de la part des GAFA, afin de limiter leur consommation globale d’électricité.