Jeux vidéo : « Cyberpunk 2077 », la superproduction qui continue de surclasser l’E3
Jeux vidéo : « Cyberpunk 2077 », la superproduction qui continue de surclasser l’E3
Par Corentin Lamy, Michaël Szadkowski (Los Angeles, envoyés spéciaux)
« Le Monde » a pu assister, lors du Salon annuel du jeu vidéo de Los Angeles, à une démonstration avancée du nouveau jeu de CD Projekt Red.
Cyberpunk 2077 — Official E3 2019 Cinematic Trailer
Durée : 04:15
« Epoustouflant », « incroyable », « la claque ». A l’E3 2019, le grand Salon du jeu vidéo, qui se tient à Los Angeles de mardi 11 à jeudi 13 juin, journalistes et professionnels du secteur n’ont pas tari d’éloges sur Cyberpunk 2077.
Déjà en 2018, lors du même Salon, le titre avait fait sensation. Le studio polonais CD Projekt Red, auréolé du succès de Witcher III, avait alors dévoilé les premières images de son projet de monde ouvert dans un univers futuriste, à la fois hypertechnologique et ravagé par la violence. Devant ce premier aperçu, nous évoquions alors la démesure de cet univers « cyberpunk », et des graphismes urbains encore rarement vus dans le jeu vidéo.
Un an plus tard, l’annonce de la date de sortie du jeu (le 16 avril 2020), qui a eu lieu lors de la conférence Xbox de Microsoft en présence de l’acteur Keanu Reeves sur scène, a compté parmi les moments forts de la convention. Dans les couloirs du salon, le stand du jeu n’a pas désempli, avec des participants qui ont multiplié les selfies et les poses devant le personnage principal du jeu, avant d’en voir de nouvelles images.
Le stand « Cyberpunk 2077 » au Salon du jeu vidéo E3 2019. / MICHAËL SZADKOWKI pour « Le Monde »
Même s’il a été impossible de jouer manette en main à une première version, Le Monde a pu assister, en présence de médias internationaux, à une démonstration avancée de quarante-cinq minutes de Cyberpunk 2077, et suivre le déroulement concret d’une mission, jouée et commentée par les développeurs de CD Projekt Red.
Si cet aperçu a été visuellement moins impressionnant que la vidéo diffusée lors de l’E3 2018, il a mis en scène une expérience de jeu qui devrait être plus proche de celle qu’accueilleront les consoles et les PC en avril. Et pour le dire simplement : il s’agit d’un des meilleurs jeux vidéo observés par Pixels à l’E3 2019. En regardant cette démonstration du jeu en conditions réelles, nous avons eu la confirmation que Cyberpunk 2077 est bien une superproduction hors norme, inédite, et de nature à faire date. On vous explique pourquoi en trois points.
Une ambiance très soignée
La mission à laquelle nous avons assisté, qui se situe au milieu de l’histoire principale de Cyberpunk 2077, nous a plongés dans les bas-fonds de Pacifica, l’un des quartiers de Night City. Nous comprenons rapidement qu’il s’agit d’une vaste zone de jeu, avec son unité, ses populations, ses codes culturels. Devant la presse, les développeurs de CD Projekt promettent que les passages d’un quartier à un autre de Night City se feront sans temps de chargement. Sur le principe, cela ressemble bien à la carte du jeu de The Witcher III, où l’on se déplace de région en région.
Dans Pacifica, les grandes tours, centres commerciaux et hôtels de luxe qui bordent l’océan sont dévastés. Les autorités publiques et les entreprises ont déserté les lieux après une vaste crise économique, précise CD Projekt. Les néons clignotent, les vagabonds dorment sous les ponts, les intérieurs d’immeubles sont en ruine, et de nombreux personnages interlopes déambulent sur les trottoirs, parfois mitraillettes au poing.
Pour la plupart d’origine haïtienne, cette population de personnages non joueurs (PNJ) parle un mélange d’anglais et de français créole, dans les conversations qu’on entend entre eux. On se croirait dans un croisement de District 9 et d’Elysium, ou dans une guerre des gangs de GTA San Adreas déplacée dans le futur.
Des coups de feu sont tirés, des mitraillettes sont brandies, et des duels explosifs retentissent au loin, alors que le soleil se couche. Selon l’équipe du jeu, Cyperpunk 2077 est doté d’une alternance naturelle entre jour et nuit, comme dans The Witcher III. Dans cette démonstration, ces cycles ont provoqué des ambiances et des jeux de lumières somptueux, au milieu de gratte-ciel en ruines. On a immédiatement pensé à Blade Runner – et plus particulièrement au dernier : Blade Runner 2049, de Denis Villeneuve.
Au milieu de ce Pacifica globalement hostile, le personnage principal, « V », doit retrouver l’un des leaders des Voodoo Boys, un groupe de hackeurs mystiques, entre dreadlocks et blousons de cuir, persuadés de pouvoir atteindre l’immortalité par la maîtrise des mondes virtuels. Un certain Placide envoie ensuite infiltrer les Animals, une bande rivale de bodybuildeurs un peu tarés, qui a pris ses quartiers dans un vaste mall (galerie marchande) délabré.
Pour se déplacer, « V » prend une moto, qu’on croirait sortie du manga Akira, et lance un gros rock pour rouler sur des routes à moitié détruites. Une fois son infiltration réussie et ses ennemis éliminés, il réalise que sa mission avait des objectifs inavoués. Furieux, il retourne voir les Voodoo Boys. Après une discussion musclée, on lui propose de se télécharger dans le cyberespace pour comprendre de quoi il en retourne. « V » plonge dans un bain d’eau glacé, son corps se dilate, puis il se retrouve « dans » une sorte d’Internet. Le monde qui l’entoure est recouvert d’un code numérique, mais les barrières physiques ont disparu. Vous pensez à Matrix ? Nous aussi.
Son système de jeu
Mais Cyberpunk 2077 est avant tout un jeu de rôle, alternant scènes d’action, de dialogues, et offrant au joueur la possibilité de faire évoluer comme il le souhaite son avatar. Pour ce dernier point, la personnalisation de « V » sera très poussée. On a vu, dans les menus s’affichant pendant la démonstration, des possibilités de changer ses armes, ses vêtements, son dispositif de piratage (une sorte de smartphone), ou encore, de télécharger des programmes dans son corps augmenté, afin d’en améliorer certaines capacités.
On pourra aussi, lors de la configuration initiale de « V », attribuer des points à cinq caractéristiques principales (physique, intelligence, réflexe, maîtrise de la technologie, et « cool »), chacune étant liée à une, deux ou trois compétences (piratage, port du fusil, etc.). « V » pourra également être une femme ou un homme, et choisir entre trois « origines » différentes (nomade, enfant de la rue ou col blanc). Tous ces choix ayant autant d’impact sur les attitudes des autres personnages au cours de l’histoire principale, selon les précisions données par Mateusz Tomaszkiewicz, l’un des scénaristes de Cyberpunk interrogé par Le Monde.
CD Projekt Red / « Cyberpunk »
L’approche qu’on choisira, dans les scènes d’action à la première personne, aura également des conséquences sur le déroulement de l’histoire. De ce qu’on en a vu, « V » pourra soit s’infiltrer dans des zones et de neutraliser des ennemis grâce à ses talents de hackeur, permettant de détourner des caméras ou de changer le programme d’un robot de combat à distance. Il est même, en théorie, capable de terminer le jeu sans tuer personne. Comme, semble-t-il, de nombreux personnages de Cyberpunk 2077, « V » est également capable de connecter directement son corps dans un réseau local, afin d’en absorber les informations, ou de communiquer avec d’autres personnes connectées.
Mais si l’on préfère, on pourra aussi faire jouer ses muscles, ou plutôt, ses bras mécaniques, pour se saisir d’une énorme mitrailleuse et tirer sur tout ce qui bouge. Si la finalité de la mission est restée la même, la démonstration de Cyberpunk 2077 a permis de saisir à quel point les chemins pour y arriver pouvaient être différents.
Avec parfois quelques respirations, comme des « mini-jeux » un peu austères pour pirater une caméra ou une interface numérique. Mais surtout, des scènes cinématiques, des phases d’exploration à la troisième personne, ou des moments de dialogues à choix multiples, qui vont prendre manifestement beaucoup de temps pour faire avancer l’histoire. La vidéo de démonstration se terminait peu après qu’un représentant de Netwatch, la « police de l’Internet », ait proposé au héros de trahir les Voodoo Boys et de travailler pour lui. Un choix qui aura des conséquences cruciales sur le scénario, a expliqué le démonstrateur.
La présence de Keanu Reeves
On aurait pu croire que l’apparition de Keanu Reeves dans Cyberpunk 2077 ne serait qu’un simple caméo, ou opération de com. Il n’en est rien. L’acteur de Matrix et de John Wick a prêté son visage, sa voix et son corps pour la modélisation du personnage de Johnny Silverhand. Un personnage central de Cyberpunk 2077, selon le scénariste Mateusz Tomaszkiewicz, qui le définit comme une sorte de fantôme numérique vivant dans les implants bioniques de « V ».
Ce Jiminy Cricket virtuel, invisible du monde extérieur, semble être l’un des interlocuteurs les plus fréquents du héros. Pendant les quarante-cinq minutes de démonstration, il est apparu plusieurs fois, dans les scènes-clés de dialogue ou des cinématiques.
Ce n’est pas la première fois que Keanu Reeves apparaît dans des jeux vidéo. Mais c’est sans doute son projet le plus ambitieux en la matière. Selon Mateusz Tomaszkiewicz, l’acteur a concrètement participé au développement de son personnage, en réfléchissant, avec les équipes de CD Projekt Red, à ce qu’il pourrait dire ou faire au cours du jeu.
De quoi plaire à une communauté des joueurs pétrie de culture Internet, où Keanu Reeves jouit d’une certaine notoriété. Il a été ainsi très applaudi lors de son apparition sur la scène de la conférence Xbox, dimanche 9 juin. Et a été fréquemment transformé en mème. « Keanu incarne des héros capables de se battre pour une cause, de rester gentils mais fermes sur des convictions communes. Il est adoré pour ça », explique Mateusz Tomaszkiewicz.